Suis-je bien en train d'écrire ? Mon corps est-il mon corps ? Mon esprit est-il là ? Vraiment, ne suis-je pas en plein rêve ? Ce que je viens de vivre est-il réel ? Y suis-je encore ? N'y ai-je jamais été ? Donner à une fan de Muse, depuis 1999, l'opportunité d'aller les voir dans une petite salle parisienne alors qu'ils font des tournées de stades : ça n'a pas de prix. Et peu importe si l'ambiance était un peu molle à cause de la présence d'un trop grand nombre d'invités. Eux, ils sont là parce que ça fait "hype" d'être à un concert de Muse ; moi, je suis là pour prendre ma dose.
Je crois n'avoir jamais pris complètement conscience d'où j'étais. Au début, je n'y croyais vraiment pas : ça n'avait pas de sens. Muse au Casino de Paris. Improbable. J'ai bien compris que j'allais entrer lorsque j'ai eu mon billet en main et mon bracelet autour du poignet, mais je ne ressentais rien. Aucune excitation. Peut-être par une trop grande peur d'être déçue ? Ou à cause d'une gêne parce que mes amis qui rêvaient d'assister à un concert privé de Muse n'ont pas gagné de places ou n'ont pas été invités ? Cependant, je commence à m'impatienter un peu avant vingt et une heures. Et là...
... MK Ultra. Impossible de réaliser. Matt, Dom et Chris font une entrée impeccable. Le choix du morceau est parfait et la prestation fait son effet. La foule se presse vers l'avant en quelques secondes pendant que j'essaie de bien comprendre ce qu'il se passe. Je saute déjà partout, parce que mon corps réagit, mais dans ma tête tout est flou. D'autant qu'ils enchaînent avec Map of the Problematique... Des génies. Ce sont des génies qui ont l'air de s'amuser comme des petits fous sur scène ! À peine le temps de m'installer dans le show avec Uprising qu'ils m'achèvent déjà avec Bliss : "an old song" comme l'introduit Matthew. Un trop plein d'émotion me fait monter les larmes aux yeux, je l'avoue, mais je ne m'arrête pas de bouger pour autant !
C'est l'efficace Supermassive Black Hole qui suit : toujours bien meilleure en live ! Mais après ça, le drame se produit : Muse joue sa dernière chanson, composée pour la bande originale de Twilight, comme s'ils voulaient qu'on joue à "chercher l'erreur". Neutron Star Collision (Love is Forever) est également chantée par deux groupies derrière moi, qui réclament Guiding Light à la fin. Pitoyable. Connaissent-elles Muse ? Bref, avant de hurler et de brandir le poing sur United States of Eurasia, c'est l'excellente Nishe qui me remet doucement dans l'ambiance.
Et cette douceur, cette tendresse (oserais-je écrire "tendwesse" ?), on la retrouve dans la surprise de la soirée : I Belong to You (Mon cœur s'ouvre à ta voix). Entendre Matt, anxieux, chanter la partie française pour la première fois sur scène, c'est inoubliable. Déclamer les paroles avec le même accent que lui est hilarant. C'est donc tout sourire que j'entre dans Resistance. J'ai oublié de signaler que la majorité des morceaux sont suivis ou précédés d'intros et d'outros magistrales. Les trois musiciens sont en pleine forme et souriants : Matt joue parfaitement (est-il encore nécessaire de le préciser ?) et sa voix tient bon, Dom est irréprochable, et Chris headbang avec plaisir et maîtrise les chœurs avec aisance. Maintenant, c'est l'heure d'Undisclosed Desires, chanson qui tient une certaine place dans mon cœur. Pas très appréciée des fans de la première heure qui lui reprochent son côté r'n'b, je n'arrive pas à me défaire de mon histoire tumultueuse avec cette composition aux paroles si justes.
Ce soir, Muse a décidé de jouer avec mes sentiments. Je passe du rire aux larmes en quelques chansons. Starlight arrive parfaitement dans la setlist car, même si elle n'est pas indispensable, c'est une de ces chansons qui permet de décompresser. On tape dans ses mains, on reprend les paroles et on rit, plus léger, avant de se défouler sur Plug in Baby : la folie. Je répète que ça ne l'était pas pour tout le monde, mais pour moi oui. D'autre part, poursuivre et finir avec Unnatural Selection et son break de taré, c'est tout simplement énorme.
Le rappel se compose de deux bombes précédées de l'intro à l'harmonica par Chris. Dans l'ordre, on a donc : Hysteria et sa puissance une nouvelle fois révélée par l'énergie des trois artistes, Man with a Harmonica (avec un jeté d'harmonica dans la fosse...) et Knights of Cydonia, le final par excellence avec des jets de fumée formant un rideau comme pour dire au revoir. Les lumières se sont rallumées très brutalement et ont l'effet d'un flash sur moi. Un flash à la Mulholland Drive de David Lynch. Un flash qui signifie le passage de l'irréel au réel.
Avec Muse, il se passe quelque chose d'extraordinaire à chaque fois. Comme un accouchement aux données inversées. C'est un bonheur souvent trop court, mais intense, qui se transforme en douleur, comme si on n'avait jamais vécu ce moment. Le 25 mai 2010 a-t-il existé ? Impossible d'être sûr, alors on y retourne... La prochaine fois, ce sera au Stade de France ; un endroit qui aura du mal à rivaliser avec l'intimité du Casino de Paris.
En tant que privilégiée, mon mot de la fin sera : merci.