26/08/2010

The Killer Inside Me - Michael Winterbottom


En mai, La Stratégie du choc était à l'affiche dans quelques cinémas. C'est l'un des réalisateurs de ce documentaire, Michael Winterbottom, qui signe The Killer Inside Me, un film noir assez déséquilibré, adapté du livre du même nom écrit par Jim Thompson.

Les lumières s'éteignent dans la salle. À l'écran, les noms de productions défilent et l'un retient l'attention : Muse productions. Pourquoi ? La réponse est dans le générique : Kate Hudson. Drôle de coïncidence ! Au casting, si Kate Hudson se défend bien, et si Jessica Alba est sublime dans son rôle de prostituée amoureuse, c'est Casey Affleck qui porte à lui seul ce long métrage prévisible.
The Killer Inside Me tourne effectivement autour de ce personnage inquiétant, Lou, un shérif apprenti à la personnalité sérieusement dérangée. Winterbottom a visé juste en donnant ce rôle ambigu à Casey Affleck. Le visage d'ange de ce dernier cache joliment une nature monstrueuse : Lou est un tueur sadique. Cependant, le réalisateur semble avoir oublié qu'un interprète, aussi excellent soit-il, ne peut sauver complètement un film. Il y a notamment ce problème de faux raccords qui empêche le spectateur de se laisser prendre par la tension qu'aurait pu susciter l'histoire.
Éros et Thanatos se côtoient donc dans un bled paumé des États-Unis et évoluent dans une ambiance bien reconstituée des années 1950. Mais la lourde linéarité tue le film, et ce ne sont pas les séquences d'une brutalité extrême qui changeront quelque chose au résultat. Seule la dernière scène est réussie dans son ensemble.

Michael Winterbottom se repose sur son acteur et s'attarde exagérément sur le sexe et la violence pour combler le vide de son film.

14/08/2010

Chatroom - Hideo Nakata

Le Japonais Hideo Nakata, réalisateur de l'un des films d'horreur les plus terrifiants du cinéma, Ring, signe cette année un film noir sur les adolescents et les dangers d'Internet. Chatroom est au départ une pièce de théâtre écrite par Enda Walsh. Le long métrage a été présenté au 63e Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard.

William est un adolescent perturbé. Mais, sur Internet, personne ne le sait. Il crée "Chelsea teens !", une chatroom où le rejoignent Eva, Emily, Mo et Jim. Des liens se créent, les confidences se font, et les vraies personnalités de chacun se révèlent petit à petit.
Il y a beaucoup d'échange entre les personnages : les répliques sont courtes, à l'image des conversations par écrans interposés. Et l'on s'attache aux personnages car les acteurs sont bons. Derrière l'interprétation imposante et réussie d'Aaron Johnson se cachent des comédiens au fort potentiel, notamment Matthew Beard – le dépressif suicidaire – et Hannah Murray (Cassie dans les deux premières saisons de Skins) – la petite bourgeoise. Ces deux-là montrent qu'ils ont beaucoup à offrir.
En ce qui concerne l'ensemble, malgré l'histoire brouillonne, la mise en scène pas assez exploitée et le dénouement prévisible, l'ambiance est captivante et on ne s'ennuie pas. Filmer les rencontres sur Internet comme si elles avaient lieu en vrai (IRL pour les geeks) est une idée intéressante. En matérialisant un salon de discussions en temps réel en long corridor dont les portes donnent sur des pièces carrées aux décors tous différents, le réalisateur donne un certain caractère à son film. Autre élément positif : la musique. Les morceaux utilisés dans la bande originale sont de très bon goûts. On y retrouve entre autres VCR de The XX, Animal de Miike Snow, et un extrait (scherzo) du deuxième mouvement de la (fameuse) Neuvième symphonie de Beethoven...

Si ce film propose quelques pistes de réflexion, il demeure relativement prescriptible.

08/08/2010

Inception - Christopher Nolan



Inception, je l'attendais depuis un an. Un an à rêver grâce à des teasers alléchants. Et, en général, quand on attend un film depuis si longtemps, on est déçu. Mais là, on parle de Christopher Nolan (qui a signé l'excellent Memento et, plus récemment, The Dark Night) et de toute son équipe. Du scénario à la réalisation, en passant par la musique, la photo, les performances d'acteurs et les effets spéciaux, tout est travaillé, et tout est fascinant.


Dom Cobb est un fugitif. Voleur expérimenté et spécialisé dans l'extraction, c'est-à-dire dans l'art de subtiliser des informations par le rêve, Cobb doit réaliser l'impossible pour pouvoir retrouver sa vie d'avant : l'inception. Au lieu de dérober un secret, il doit semer une idée dans l'esprit d'une personne.

Dans les rêves tout paraît normal, ce qui laisse une liberté infinie au réalisateur. Dans Inception, il y a autant de niveaux de lecture que de réalités. La narration est complexe, fragmentée par la construction d'intrigues imbriquées. Et c'est tout le cinéma qui s'y exprime. Entre science-fiction, suspens, film d'action et drame émotionnel, Inception marque autant le septième art que Matrix en 1999. Et derrière le désordre psychologique illustré par un labyrinthe onirique, se cache une déchirante histoire d'amour. Même dans ce registre, Nolan ne s'égare pas et traite délicatement le sujet, sans jamais tomber dans la niaiserie habituelle au cinéma.
Avec un casting aussi pointu, on ne peut s'empêcher de s'attarder un peu sur les comédiens. Certains, comme Leonardo DiCaprio, Joseph Gordon-Levitt et Marion Cotillard (inquiétante dans le bon sens du terme), sont présents dès la magistrale scène d'exposition qui s'éloigne des traditionnelles mises en bouche. D'autres, comme Tom Hardy (aussi bon faussaire que son personnage), Ellen Page et Cillian Murphy, viennent renforcer le jeu dans la suite du film. Leonardo DiCaprio, après l'excellent Shutter Island de Scorsese, ne change pas beaucoup de registre en interprétant un homme rongé par le remords et hanté par le souvenir de sa femme, mais réussit à donner vie à un personnage différent. Joseph Gordon-Levitt, le héros de (500) jours ensemble, supporte l'apesanteur comme personne... Il a gagné en élégance et en maturité, alors qu'Ellen Page (Juno, Bliss) semble encore petite au milieu des "grands", mais défend toute de même très bien son rôle. Pour la troisième fois sous la direction de Nolan, Cillian Murphy, mémorable dans Le vent se lève de Ken Loach (Palme d'or 2006), est toujours aussi délicieux.
En ce qui concerne la compréhension d'Inception, au premier degré, on peut être légèrement perdu, mais il y a nettement moins de mystère que dans du Lynch, par exemple. Car, si les dialogues sont vifs et l'histoire originale dans les deux sens (enfin une cette année !), le montage, lui, donne les clés des diverses strates de temps. Sur le fond, on peut se poser des questions, mais la forme est relativement explicite. Quant à la fin, elle est ouverte et laisse le soin à chaque spectateur de se faire ses propres interprétations. Enfin, on peut aussi émettre diverses hypothèses sur l'ensemble du film comme : et si tout ça n'était qu'un rêve ? C'est très certainement celui de Cobb. Hormis le fait que la musique, créée par le maître Hans Zimmer, soit tendue, dramatique et sombre, elle n'est pas là simplement pour soutenir l'image. Les notes angoissantes du thème principal ouvrent et ferment le film comme pour signaler une intrusion. Nolan et toute son équipe réussiraient donc à pratiquer l'inception sur les individus assis dans les salles de cinéma (ces endroits de transition entre rêve et réalité) en implantant une idée, un virus, le doute.

Inception a sur le spectateur le même effet que la possibilité d'une création pure sur le personnage d'Ellen Page : l'expérience donne envie d'y revenir encore. C'est comme une drogue (les personnages ne se piquent-ils pas pour intégrer un rêve ?). Je suis donc retournée dans une salle obscure pour revivre ce rêve cinématographique bien réel. Et le doute persiste toujours sur le fait de savoir si notre réalité l'est aussi.


Un brillant film cérébral !

03/08/2010

Petits Meurtres à l’anglaise - Jonathan Lynn

Remake de Cible émouvante de Pierre Salvadori, Petits Meurtres à l'anglaise de Jonathan Lynn est un film drôle et sans prétention. L'histoire, c'est celle d'un tueur à gage solitaire et maniaque qui tombe amoureux de sa victime, une jolie kleptomane aussi pétillante qu'exaspérante. Il lui laisse la vie sauve, devient son protecteur, et, dans leur fuite, ils entraînent un jeune bout-en-train rencontré par hasard.

Le trio d'acteurs fonctionne : une Emily Blunt (My Summer of Love, Sunshine Cleaning) à l’audace presque agaçante, un Bill Nighy (Love Actually, Good Morning England) au calme déconcertant, et un Rupert Grint (Ron Weasley dans la saga Harry Potter) toujours aussi attachant. Chacun apporte sa petite touche sans jamais empiéter sur le jeu des autres, et c'est très appréciable.
Le film évolue au rythme de gags amusants. Et si parfois l'humour est borderline, un sourire se dessine quand même sur les lèvres car la classe anglaise l’emporte haut la main. D'ailleurs, on sent l’univers british dès le premier plan, même si la scène se déroule à Paris. Côté décors et lieux de tournage, on peut donner une mention toute particulière au choix de la maison de campagne, miroir de la personnalité de Maynard (le tueur à gage) et de ses changements d'humeur.
Ce n’est évidemment pas un grand film, mais il est simple et agréable. En ce moment, le cinéma (à part une ou deux perles) n’est pas franchement excitant. Il est à l’image de l’air ambiant : lourd. Petits Meurtres à l’anglaise amène une brise de fraîcheur.

On a le temps, on se détend…

02/08/2010

When You're Strange - Tom DiCillo


Documentaire dans lequel la voix de Johnny Depp se fond subtilement, When You're Strange emporte le spectateur dans l'intimité du cultissime groupe de rock américain The Doors. L'alchimie incroyable entre Jim Morrison, Ray Manzarek, John Densmore et Robby Krieger est mise en lumière grâce au travail du réalisateur, Tom DiCillo. Il monte ingénieusement des images d'archive tournées entre 1966 et 1971 par Paul Ferrara (étudiant en cinéma et ami des Doors à l'université), et cimente le film avec des séquences extraites d'une œuvre expérimentale de Jim Morrison, HWY : An American Pastoral, sorte de road trip métaphysique.

Inutile d'attendre la fin pour se redire une énième fois qu'on n'est pas né au bon moment. Immédiatement plongé dans les années soixante, on ressent la nostalgie d'une époque qu'on n'a pas connue. Étrange sensation. Le monde est en pleine crise (guerre du Vietnam, mort de Martin Luther King...) mais, sur scène, l'insouciance pure et le génie s'expriment.
Pendant tout le film, le spectateur est évidemment bercé par la musique transcendante des Doors, mais aussi par la voix de Johnny Depp (vu dernièrement dans Alice au pays des merveilles) qui excelle dans l'exercice de la narration.
Certes, les fans n'apprendront pas grand chose. Néanmoins, le documentaire a le mérite de raconter l'histoire du groupe de manière authentique et sensible, en suivant le parcours d'une légende aussi fascinante que fragile : Jim Morrison. Il est beau mais n'en a que faire, il chante divinement bien et pourtant déteste sa voix, il est célèbre et se consume. Le jeune poète, seul au milieu de tous, s'autodétruit. Et l'annonce de sa mort à Paris, à l'âge de vingt-sept ans, fait toujours le même effet. Un choc.

En sortant, on pleure encore de voir le monde tel qu'il est.