31/03/2011

Never Let Me Go - Mark Romanek


Auprès de moi toujours, c'est le titre du roman de Kazuo Ishiguro adapté au cinéma par Mark Romanek, réalisateur américain connu pour ses clips (Nine Inch Nails, Michael Jackson, Linkin Park, Johnny Cash, Madonna, etc.). Et ça donne Never Let Me Go, un long métrage d'une jolie tristesse, mais malheureusement creux.

L'histoire est bonne, et même si le sujet a déjà été traité dans Bienvenue à Gattaca et The Island, Never Let Me Go propose une ambiance différente, intemporelle et très anglaise. Mais Romanek se repose trop sur la poésie bucolique des lieux, une belle photo et les compétences de ses acteurs : Keira Knightley, dans un rôle opposé à celui qu'elle tient dans Last Night ; Carey Mulligan (Une Éducation, Brothers) qui confirme peu à peu son talent ; Andrew Garfield (The Social Network, L'Imaginarium du Docteur Parnassus, Boy A) tout en grâce ; et Charlotte Rampling (Swimming Pool, The Duchess) en éternelle femme rigide.
Néanmoins, on peut facilement reprocher un jeu trop excessif dans la retenue. Un paradoxe qui touche l'ensemble des comédiens, mais qui incombe à la direction d'acteurs. L'excès devient une maladie pour le film, et se répand jusque dans la musique, larmoyante à souhait et forçant l'émotion. Il y avait pourtant une certaine élégance dans la souffrance de ses enfants perdus, qui aurait pu se suffire à elle-même, mais leur résignation peu convaincante et le manque d'énergie global plombent le film.
Quant aux questions profondes et philosophiques sur la nature humaine, elles ne sont jamais exploitées. Il y a peu de réflexion, tout est assez flou. Le réalisateur s'est perdu dans l'histoire d'amour au lieu de s'attarder sur la période d'éducation (les trois enfants comédiens choisis sont doués) ; on tombe alors dans un trio amoureux plutôt classique. Serait-ce pour prouver l'humanité de ces êtres ? pour que le spectateur s'identifie à eux et prenne conscience de l'importance de l'amour et de l'imminence de la fin ? On sait qu'on est tous condamnés, merci.

L'équilibre et l'intensité n'ont pas été trouvés. Dommage.

30/03/2011

Fighter - David O. Russell

Même avec moins d'oscars, Fighter est un film qui mérite autant d'attention que les excellents Black Swan et Le Discours d'un roi. David O. Russell (J'adore Huckabees, Les Rois du désert) a parfaitement réalisé et mis en scène ce drame profond adapté d'une histoire vraie. Et, surtout, la force du film réside dans ses deux acteurs principaux, Mark Wahlberg et Christian Bale.

Fighter, c'est d'abord le combat de Mark Wahlberg (Lovely Bones, Les Infiltrés, Braquage à l'italienne), qui s'est entraîné pendant quatre ans, même quand le projet semblait avorté, afin de pouvoir interpréter le rôle de Micky Ward, et qui s'est battu pour que le film existe. Il a sacrifié l'intégralité de son salaire et investi cinq cent mille dollars et son charisme. Son jeu, tout en discrétion, dissimule une force incroyable, laquelle se démultiplie au côté de Christian Bale (The Dark Knight, I'm Not There, American Psycho).
Les autres combats se trouvent sur le ring, mais aussi dans la cellule familiale. Perdu, Micky Ward lutte contre ses envies, contre ses besoins, contre son destin, contre des adversaires bien plus lourds que lui, contre sa mère envahissante (Melissa Leo) et contre son demi-frère et entraîneur, Dick Eklund, ancienne gloire locale tombée dans le crack. Ce rôle d'épave terriblement touchante revient à Christian Bale, après les abandons de Matt Damon et Brad Pitt. Et l'oscar du second rôle masculin n'a pas été volé. Bale, qui a perdu une vingtaine de kilos, est tellement impliqué qu'il disparaît pour faire vivre Dick Eklund. Magistral.
L'ensemble des comédiens a pu s'exprimer brillamment dans ce film (même Amy Adams en petite amie déterminée), qui se révèle être un documentaire romancé mais jamais caricatural, un long métrage authentique, viscéral et intense. La violence des émotions est telle que l'on s'accroche à son siège ; même les scènes de matchs de boxe font monter les larmes aux yeux. Et tandis que Fighter se veut poignant, voire sérieux, David O. Russell et son équipe n'oublient pas la valeur de l'humour pour renforcer la tension.

Un classique.

29/03/2011

The Black Keys @ Olympia

La musique. Celle qui insuffle la vie. Celle qui réveille et qui emmène ailleurs. Celle qui déchire le cœur, qui attaque le ventre, qui noue la gorge, qui mouille les yeux. Celle qui effleure la peau mais qui marque. Celle qui électrise, qui bouleverse et qui transcende. Celle qui excite les sens. Celle qui fait inlassablement bouger, celle qui enflamme les esprits. Celle qui fait frissonner, vibrer. Celle qui parle au corps et en prend possession. Celle qui dérègle la respiration. Celle qui vient des tripes, qui transpire, qui saigne. Celle qui est sale tout en restant saine. Celle qui explose et qui dévaste. Celle qui fait presque mal tellement c'est bon. Celle qui rugit, qui vit et qui se vit. Celle qui expérimente et qui crée. Celle qui surprend. Celle qui prend tout son sens et offre toute son énergie en live. Celle qui redonne espoir. Celle qui honore ses créateurs de génie. Celle qui console de n'avoir jamais vu Led Zeppelin sur scène. Celle qui fait pleurer. Celle qui... Celle qui, tout simplement, fait vivre.

Ça s'est passé le 15 mars 2011 à l'Olympia, et ça a duré un peu plus d'une heure. C'était précédé d'une première partie assurée par Romain, homme-orchestre de Birds Are Alive, honnête joueur de blues habitué des PMU.

Les deux hommes qui donnent naissance à cette musique du diable profondément intense s'appellent Dan Auerbach et Patrick Carney, plus connus sous le nom de The Black Keys.

La setlist :
1. Thickfreakness
2. Girl is on My Mind
3. The Breaks 
4. Stack Shot Billy
5. Busted
6. Act Nice and Gentle (The Kinks cover)
7. Everlasting Light
8. Next Girl
9. Chop and Change
10. Howlin' for You
11. Tighten up
12. She's Long Gone
13. Ten Cent Pistol

Encore :
14. I'll Be Your Man
15. Strange Times
16. I Got Mine

23/03/2011

Last Night - Massy Tadjedin



Last Night n'est pas une comédie romantique. Ce n'est pas drôle, et le film s'attarde sur une question socialement problématique : l'infidélité, et donc sur la tentation et le mensonge, des sujets traités ici de manière dramatique pour le premier long métrage de Massy Tadjedin, la réalisatrice, scénariste et productrice.

Dans Last Night, la scénariste de The Jacket filme trois couples : celui que forme Keira Knightley (Love Actually, Domino, The Duchess, The Jacket) et Sam Worthington (Le Choc des Titans, Avatar), celui que la première forme avec Guillaume Canet (réalisateur des Petits Mouchoirs), et celui que le second forme avec Eva Mendes (La nuit nous appartient, The Spirit). Une grande partie du film repose donc sur l'interprétation.
Keira Knightley joue joliment son rôle de femme partagée entre raison et passion, et Guillaume Canet vient parfaire ce couple adultère, en interprétant un personnage fait pour lui : le premier amour frenchy. En revanche, Sam Worthington et Eva Mendes sont prévisibles et ne s'expriment guère, limités par des dialogues vides.
Si la réalisatrice a pu compter sur Peter Deming (The Jacket, Mulholland Drive, Lost Highway) à la photographie, sur une mise en scène et un montage traduisant le terrible désenchantement, et sur une bande originale signée Clint Mansell, Explosion in the Sky, Bat for Lashes, Moby, M83, etc., son film souffre, dans le fond, de ce qu'il souhaitait exprimer : la faiblesse.

À force de vouloir travailler le suspens et les non-dits sans juger ni condamner, Last Night expose et ne dit pas grand-chose.

22/03/2011

Sex Friends - Ivan Reitman



Alors que les midinettes vont voir Sex Friends pour Ashton Kutcher, moi, c'est pour Natalie Portman (Black Swan, Brothers, New York, I Love You), seul argument pour me convaincre d'aller voir cette petite comédie romantique réalisée par Ivan Reitman (producteur de In the Air).

Tout d'abord, force est de constater que le titre est mensonger. Dès les premières minutes du film, l'amour pointe son nez, et l'installation du sexe entre amis n'est finalement que le reflet de la peur de s'engager et d'aimer. En même temps, quand on sait que le film n'est pas bon, il faut bien trouver une stratégie pour appâter les spectateurs...
Ensuite, bien que Natalie Portman soit délicieuse dans le rôle d'une doctoresse voulant contrôler tous les aspects de sa vie, Sex Friends est, dans son ensemble, très moyen. On s'ennuie certes moins que pendant Love et autres drogues, et le message est plus joli (une relation régulière basée sur le sexe et sans sentiments, ça n'existe pas), mais tout est trop léger, voire faible.
Sans Natalie, le film n'a plus aucun intérêt. Néanmoins, on constate à nouveau, après l'avoir vue dans Juno et New York, I Love You, que Olivia Thirlby devrait être beaucoup plus sollicitée. À quand un premier rôle de consécration ?

Sex Friends c'est donc : un grand travail de communication, une grande actrice et un film grandement prescriptible.

21/03/2011

True Grit - Joel & Ethan Coen

Loin d'être aussi ennuyeux que leur précédent film, A Serious Man, True Grit (qui d'ailleurs présente un plan d'ouverture faisant penser au début de A Serious Man) n'est pourtant pas le chef-d'œuvre que les critiques décrivent. Cette adaptation d'un roman déjà porté à l'écran (100 dollars pour un shérif) n'est pas mauvaise, mais on n'y croit qu'à moitié.

True Grit n'est pas vraiment drôle, ni vraiment captivant... C'est un film moyen, frères Coen ou pas. Car ce n'est pas un nom qui fait un long métrage, c'est un réalisateur (ou plusieurs), une personne, qui peut donc toujours tomber dans des failles. L'exemple le plus récent est celui de Clint Eastwood avec son Au-delà décevant. Mais même quand on n'attend rien des frères Coen, force est de constater que True Grit ne passionne pas.
On ne peut rien reprocher au travail pur de l'image ou au casting masculin solide, mais ça ne suffit pas pour donner naissance à un chef-d'œuvre. L'actrice principale (Hailee Steinfeld) n'est pas convaincante (trop lisse), et les ficelles de l'histoire sont tellement évidentes qu'elles auraient pu se passer de quelques longueurs.
Ce que l'on retiendra du film : une performance d'acteur de la part de Jeff Bridges (Tron : Legacy, Les Chèvres du Pentagone), un Matt Damon (Au-delà, Green Zone, Invictus) qui remplit son contrat avec toujours autant de talent (magistral en Texas ranger ambivalent), et de beaux paysages.

C'est propre ; peut-être trop pour se laisser emporter.

17/03/2011

7e symphonie de Antonín Dvořák @ Salle Pleyel

Après une représentation de la 9e symphonie de Dvořák à la Salle Pleyel le 14 janvier 2011, c'est au tour d'une autre de ses symphonies de se faire entendre. Le lundi 8 février 2011, la 7e symphonie était interprétée par le Gewandhausorchester Leipzig (l'un des orchestres les plus anciens du monde, en activité), dirigé par le passionné et brillantissime Riccardo Chailly. Cette soirée était dédiée au compositeur tchèque puisque Carnaval et le Concerto pour violon étaient également programmés.

Carnaval
Une ouverture dynamique, exaltée et joyeuse, procurant de nombreux frissons, de la première à la dernière note. Une petite dizaine de minutes parfaites pour réveiller ses oreilles, se replonger dans l'univers dvorakien et laisser naître un sourire de plaisir au coin des lèvres et dans les yeux. La finesse et la rigueur de l'orchestre combinées à la fièvre du chef sont incontestables. Une merveille.

Concerto pour violon
Il fallait un virtuose de l'instrument pour parvenir à bout de ce Concerto pour violon très technique. En harmonie avec l'orchestre, c'est Leonidas Kavakos, détendu mais concentré, qui a fait preuve d'une maîtrise méticuleuse, toujours en quête de la perfection. Et si l'interprétation est complexe, l'écoute aussi ; dans le sens où il faut s'ouvrir et rester attentif pour accueillir une partition si riche. En bis, le soliste grec a interprété un joli mouvement de sonate de Bach.

7e symphonie
Après l'entracte, c'est l'apothéose. Cette 7e symphonie jouée par cet orchestre dirigé par ce maître de musique, c'est une histoire traditionnelle et fougueuse que l'on pourrait écouter tous les soirs, à en devenir fou. Elle commence par un accord de violoncelles et de contrebasses annonçant un thème sévère, avant que l'orchestre ne s'embrase vivement dans une explosion saisissante. Un premier mouvement qui s'achève dans un long murmure sombre soulignant l'état de l'auditeur, figé par tant d'émotions. Ensuite, le son continue de prendre possession du corps et de frôler la peau en distillant nostalgie, angoisse, nervosité, tourment, beauté, tension et puissance grâce à des sonorités profondes. Elle se termine dans un final hallucinant.
La salle, silencieuse, manifeste alors sa joie par des applaudissements sincères et bruyants ; les mains sont rouges, les "bravo" et "merci" fusent... On voudrait que ça ne s'arrête jamais. Et Riccardo Chailly, qui a lu l'envie dans le vacarme du public, annonce très simplement à ce dernier : "Danse Slave n°2". Dans une ambiance plus joyeuse, on profite alors encore d'un moment dvorakien délicieux. L'enthousiasme est tel que le généreux chef d'orchestre souriant s'adresse une nouvelle fois à la salle : "Danse Slave n°7". Deux rappels, et de cette qualité, c'était inespéré. Tout le monde finit par se lever pour offrir à cet ensemble une ovation méritée.

Une leçon de direction. Divin.