19/08/2011

Killing Bono - Nick Hamm

Qui n'a jamais rêvé de tuer Bono, irritant chanteur du groupe U2 ? Malheureusement, Killing Bono ne satisfait pas ce désir caché. En revanche, Nick Hamm réalise un bon film sur l'injustice touchant les artistes qui n'ont pas moins de talent que d'autres, mais qui ne parviennent pas à entrer dans le système de la gloire, de la communication et du marketing.

Paul David Hewson n'était pas meilleur que Neil McCormick en 1976 à Dublin. L'un a simplement eu une chance inouïe (pas forcément justifiée, mais ça fait partie de la chance), l'autre a enchaîné les échecs. Paul est devenu Bono et connaît le succès avec U2, tandis que Neil se bat avec toute la bonne volonté du monde pour faire de Shook Up ! un groupe connu et reconnu.
La plupart des spectateurs voient Killing Bono comme une comédie. Pourquoi pas, certains moments sont drôles. Mais rire du malheur des autres se révèle peu à peu frustrant. D'autant que Ben Barnes et Robert Sheehan (l'irremplaçable Nathan dans la série Misfits) rendent leurs personnages attachants, et l'on se prend à espérer une autre fin pour eux.
Le film en lui-même souffre de digressions, lesquelles peuvent lasser, et dans l'ensemble, il manque un peu de force, hormis dans la relation fraternelle. Le scénario, le cadrage, le montage, les costumes, les décors, la bande son... tout est correct, mais tout aurait mérité plus de travail.

Conclusion : monter un groupe, mettre des lunettes et rencontrer le pape, ça rapporte plus en termes d'argent et de reconnaissance que de s'acharner à écrire des textes complexes et à les mettre en musique. À vomir, non ?

17/08/2011

Blue Valentine - Derek Cianfrance

Pour son deuxième long métrage, Derek Cianfrance réussit à déprimer tout le monde en usant de deux artifices aussi simples que précieux : le réalisme et le montage. Il a en outre choisi deux acteurs intelligents, Michelle Williams et Ryan Gosling, pour jouer deux périodes extrêmes de la vie d'un couple : les premiers moments spontanés et plein d'espoir, et l'agonie finale.

Dean et Cindy tombent amoureux. Six ans plus tard, ils se déchirent. Si l'on résume, c'est bien de cette histoire qu'il s'agit dans Blue Valentine. Mais le réalisateur travaille son sujet et démontre que du plus simple synopsis peut naître une profonde émotion. C'est la mise en scène, l'image, l'ambiance, le montage et les personnages qui donnent tout son intérêt au film.
Derek Cianfrance voulait d'abord tourner en deux fois, à six ans d'intervalle. Les producteurs n'étant pas d'accord, le réalisateur a misé sur ses comédiens. Michelle Williams et Ryan Gosling ont vécu ensemble pour donner davantage d'intensité à la complicité de leurs personnages ; une grande réussite, mise en lumière par le montage imbriquant passé et présent, le premier en image digitale, le second en pellicule 16 mm.
À cela s'ajoute une grande force dans le traitement de l'histoire : le réalisateur ne montre pas les années de vie commune. Il laisse une certaine liberté d'imagination au spectateur, tout en lui donnant un cadre puisqu'il filme la naissance de l'amour et son érosion. Enfin il impose une vérité : l'échec de cette relation amoureuse. Et tout ça sans accuser personne.

Blue Valentine est un film indépendant qui fait du bien en faisant un peu de mal.

Michelle Williams :

14/08/2011

Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 2) - David Yates

En 2007, on vivait la fin de Harry Potter en lisant le septième et dernier tome des aventures imaginées pas J. K. Rowling. Cette année, c'est en allant voir la deuxième partie de Harry Potter et les Reliques de la Mort réalisée par David Yates que l'on fait ses adieux à l'histoire, aux personnages et à ce monde magique mis en images par différents réalisateurs. Mais la tristesse, aussi grande que l'excitation dès les sombres premières notes de la très bonne partition d'Alexandre Desplat, ne fera jamais disparaître les dix années de régal littéraire et cinématographique passées en compagnie de ces sorciers.


D'autant plus que ce dernier long métrage est monumental. La menace qui planait parfaitement dans Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 1) s'est bel et bien transformée en apocalypse. La bataille finale de cette guerre est tellement chargée d'émotions, combinée à des effets spéciaux géniaux parce que fluides, qu'on en oublie les différences avec le livre. Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 2) répond à la logique installée dans les films ; inutile donc, même en tant qu'adepte des livres, de comparer.

Après une courte scène reprise de la fin de la première partie (Voldemort volant la Baguette de Sureau dans la tombe de Dumbledore), c'est Severus Rogue que l'on aperçoit, seul, en nouveau directeur d'un Poudlard dépourvu de toute joie. Il n'est pas étonnant de voir ce personnage en premier : son importance est cruciale. Chaque fois qu'il apparaît à l'écran, on est fasciné par tant de profondeur et de mystère. Et la seule parenthèse enchantée du film, c'est à lui qu'on la doit, lorsque l'on plonge dans la Pensine pour découvrir une partie de son passé. Lumineuse, cette séquence est aussi détonante que l'était Le Conte des trois frères (en animation) dans la première partie. Un choix aussi rafraîchissant que nécessaire à l'intrigue narrative de la part de Yates.
Cependant, même si Alan Rickman se démarque, certains méritent également une mention spéciale : Matthew Lewis (Neville Longdubas) est devenu épatant, et Helena Bonham Carter (Bellatrix Lestrange), qui n'a plus rien à prouver, continue de dévoiler des trésors cachés d'interprétation. Aussi, on espère voir les carrières de Bonnie Wright (Ginny Weasley) et Evanna Lynch (Luna Lovegood) décoller, tant les deux actrices font preuve d'un potentiel à peine exploité. On les attend autant que Daniel Radcliff, Rupert Grint et Emma Watson, un trio qui fonctionne toujours, dans un rythme vif et prenant, mais qui se repose légèrement sur la tendresse que l'on a pour Harry, Ron et Hermione depuis Harry Potter à l'école des sorciers.
Derrière les prouesses techniques, le jeu des comédiens et la maîtrise du facteur émotionnel, il se cache quelque chose que les spectateurs pouffant de rire (notamment lors de l'épilogue) n'ont probablement pas compris : des subtilités qui rendent ce blockbuster pertinent. En outre, quelques-uns ont vu dans cette conclusion épique un triomphe des faibles, mais ce serait simplifier le propos. Car, bien que ce ne soit pas évident, puisqu'au premier niveau de lecture on distingue uniquement la confrontation entre le bien et le mal, les aventures de Harry Potter sont bien plus nuancées. Au-delà des réflexions politiques que cet ultime épisode propose, et du thème récurrent de la mort et de son acceptation, il est expliqué que la noirceur est en chaque être humain et qu'il est possible de la surmonter en luttant. Un message d'espoir qui malheureusement ne sera pas reçu ou demandera trop d'effort à la majorité des humains, lesquels vivent dans un monde de Moldus aussi motivant qu'un monde magique dirigé par Voldemort.

Enfin, une question plus générale se pose encore et toujours : quand les productions comprendront-elles que la 3D assombrit l'image et n'apporte rien en l'état ? Lorsque l'on retourne voir Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 2) en 2D, la magie est toujours là et l'on ne se plaint pas en sortant de la séance du port désagréable de lunettes payantes.


Harry Potter les films, c'est fini, mais la magie continuera d'alimenter les fantasmes des fans à travers les septs tomes à relire et les huit longs métrages à revoir.


Harry Potter :
Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 1)

Rupert Grint :
Petits meurtres à l'anglaise

Helena Bonham Carter :
Alice au pays des merveilles

Alexandre Desplat :
The Tree of Life
Le Discours d'un roi
Harry Potter et les Reliques de la Mort (Partie 1)
The Ghost Writer
Fantastic Mr. Fox
L'Étrange Histoire de Benjamin Button

11/08/2011

Barði Jóhannsson @ Cité de la musique, Days Off 2011

En ce 10 juillet 2011, jour de clôture du festival Days Off, l'Islande était à l'honneur. Les représentants : Barði Jóhannsson, compositeur éclairé (allumé ?) échappé de son groupe Gang Bang, et Ourlives, quintette diffusant une pop-folk intimiste et mélodieuse. Une aubaine. Les Islandais ont enchanté les quelques personnes présentes dans l'amphithéâtre de la Cité de la musique ; il restait une centaine de places sur deux cent cinquante. Les absents peuvent regretter.

Ourlives
Un groupe, sept chansons (dont une nouvelle), quelques émotions... Ourlives est une jolie découverte. D'abord seul sur une chaise avec sa guitare acoustique, le chanteur est rejoint par des musiciens s'installant discrètement. Malgré la présence d'un batteur assénant des coups trop puissants sur ses fûts et cymbales, on réussit à capter la sensibilité des compositions à travers les autres instruments : clavier, basse, guitare et voix pleine de douceur sans être fragile. Ils terminent leur set debout, communiant dans un final instrumental déchirant. Il fait froid dans la salle, mais ce sont bien les mélodies et l'ambiance islandaises qui donnent des frissons. Les applaudissements incessants ne ramènent le groupe sur scène que pour un salut timide, mais on se fera un plaisir de retourner les voir s'ils reviennent à Paris.

Barði Jóhannsson
À l'instar du groupe Sigur Rós, Barði Jóhannsson est un magicien des émotions. Très grand compositeur de musique à l'image, il a réalisé, spécialement pour l'occasion, un court métrage qu'il a mis en musique. Sur scène, derrière ses machines, il est accompagné d'un quatuor à cordes atypique. Malheureusement, le film est loin d'être fascinant. Diffusé en quatre tiers et en noir et blanc, il n'apporte rien d'intéressant : une jeune fille, dont les long cheveux cachent son visage, erre. On préfère se concentrer sur la musique et l'exécution des violonistes et de la violoncelliste.
Une expérience un peu frustrante, donc, qui laisse place à des compositions tirées de l'album Arp : Museum of the Sea, mêlées à de nouvelles, nées quelques jours plus tôt à Paris et nommées en fonction de la date et du lieu de création. 
Barði est un homme étonnant, qui semble débarquer d'une autre planète. Ses interventions sont aussi drôles que décalées. Et sa musique, planante, travaillant les variations et trouvant son climax en fin de concert, est d'une complexe beauté. Si l'on pouvait être perdu dans une tentative de compréhension logique à cet enchaînement, le compositeur donne la clé lors du final, l'ensemble prenant alors tout son sens. Il reviendra, ainsi que le quatuor à cordes, pour un rappel, avant d'adresser un signe rock'n'roll de la main au public en guise d'au revoir.

Un seul souhait en sortant : que Barði Jóhannsson revienne pour un concert à la Salle Pleyel accompagné d'un orchestre complet.


Sigur Rós :
Jónsi @ Bataclan

09/08/2011

Omar m'a tuer - Roschdy Zem

"Omar m'a tuer". Cette phrase légendaire, et probablement fausse à tous les niveaux (conjugaison, auteur, logique, véracité...), sert de titre au film de Roschdy Zem sur Omar Raddad, le jardinier marocain accusé du meurtre de Ghislaine Marchal en 1991. L'affaire, médiatisée à l'époque, passe au second plan dans ce long métrage focalisé sur l'homme.

Omar m'a tuer repose donc sur une donnée majeure : l'interprétation de Sami Bouajila. Acteur discret mais époustouflant, il impose son talent en se métamorphosant. Il devient Omar et porte le film seul. Les seconds rôles ne sont néanmoins pas mauvais, Denis Podalydès particulièrement, très convaincant en écrivain (Pierre-Emmanuel Vaugrenard) investi dans sa quête de la vérité.
Le réalisateur avait donc fait la moitié du chemin en choisissant si bien son comédien principal. Restait à rendre compte des zones d'ombre de cette tragédie, objectivement, sans tomber dans le sentimentalisme. Malheureusement, à trop vouloir filmer l'homme et ses démons, Roschdy Zem l'a rendu attachant. Lui qui affirme ne pas prendre parti le fait finalement en s'attardant sur ce coupable idéal dont la vie a été brisée, ce "premier innocent" de l'avocat Jacques Vergès (joué par Maurice Bénichou), et en faisant couler les larmes des spectateurs à plusieurs reprises.
Malgré quelques faiblesses, Omar m'a tuer fera peut-être avancer l'affaire : Omar Raddad, gracié mais toujours coupable selon la justice française, lutte depuis des années pour la reconnaissance de son innocence. Quant à Roschdy Zem, il s'avère meilleur derrière la caméra que devant.

Un film qui révolte en rappelant l'entêtement stupide des représentants de la justice.