31/10/2011

La Piel que habito - Pedro Almodóvar

Pedro Almodóvar retravaille le mythe de Frankenstein dans La Piel que habito, libre adaptation de Mygale, un roman de Thierry Jonquet. Le réalisateur espagnol a certes retrouvé le talent de ses débuts, bien choisi ses acteurs (Elena Anaya, Antonio Banderas, Marisa Paredes) et la musique (le morceau Shades of Marble du Danois Trentemøller, entre autre), mais l'excentricité maîtrisée n'a pas le même charme que la spontanéité. Almodóvar en fait-il trop ?

Premièrement, les obsessions du réalisateur commencent à lasser. La transgression, l'identité sexuelle, la passion criminelle, les femmes... Finalement, on a l'impression qu'il est coincé dans ses problématiques et qu'il n'en sortira jamais. Il s'enferme lui-même derrière l'écran et, par une mise en scène intime et aseptisée, empêche le spectateur de se plonger totalement dans l'histoire.
Deuxièmement, ce thriller glacial qui a l'élégance de ne pas tomber dans un ton plaintif et larmoyant contient beaucoup de scènes trop longues. Chacune y a sa place, mais le rythme est parfois inutilement lourd ; un montage affûté aurait été bénéfique à la tension du film. Ce corps cinématographique a une très belle peau, il lui manque un peu de nerfs.
Troisièmement, impossible de ne pas faire une overdose de scènes de sexe malsain. À croire qu'il faut mettre mal à l'aise pour impressionner. De manière générale, la provocation n'est pas chose mauvaise, mais jouer dangereusement avec les limites en enrobant le tout d'une photographie parfaite pour qu'on parle de film d'horreur et de vengeance chic et classieux, c'est dommage.

La Piel que habito n'est pas un chef-d'œuvre, mais ce n'est pas une raison pour déranger ses voisins pendant la projection.


Antonio Banderas :

29/10/2011

Warrior - Gavin O'Connor

On avait peur de voir Fighter en moins bon, de faire naturellement la comparaison entre ces deux films de frères et de combats. On a eu tort. Warrior de Gavin O'Connor est un long métrage académique mais puissant, viril et sensible. Et c'est de loin qu'il ressemble au dernier travail de David O. Russell. Néanmoins ce "drame familial sur fond sportif" a ses faiblesses.

Au-delà des aspects cinématographiques les plus techniques, au-delà du scénario convenu, du montage précis, des mouvements de caméra les plus vifs, Warrior repose sur l'interprétation de deux acteurs complémentaires : Tom Hardy et Joel Edgerton. Alors que le premier, brut et mystérieux, fascine dès sa première apparition, le second construit petit à petit son personnage de professeur de physique devant remonter sur le ring pour subvenir aux besoins de sa famille.
Ces frères au passé difficile sont filmés comme des héros. Des héros qui combattent pour l'argent, certes, mais qui luttent aussi avec eux-mêmes et leur drame familial commun, souligné par la présence d'un père alcoolique cherchant la rédemption (Nick Nolte). C'est le mixed martial arts, sport de combat autorisant tous les coups, qui les réunit à nouveau.
On frissonne à chaque coup, on a le goût de la sueur et du sang dans la bouche. Et si on a l'impression d'avoir déjà vu le film avant même qu'il ne se termine, on prend un plaisir assumé à ressentir ce qui se dégage de la réalisation de Warrior et de ses scènes de combat viscérales. L'émotion qui culmine dans l'affrontement final rattrape d'ailleurs le mauvais choix de conclusion scénaristique.

Un long métrage de caractère.


Tom Hardy :

17/10/2011

We Need to Talk about Kevin - Lynne Ramsay

We Need to Talk about Kevin de Lynne Ramsay est un drame familial dont personne ne sort indemne, pas même le spectateur, malmené. En compétition au Festival de Cannes 2011, ce long métrage n'a pas reçu de récompense ; on ne lui en donnera pas non plus, malgré les très bonnes interprétations de Tilda Swinton et Ezra Miller, une photographie aussi claire et colorée que l'ambiance est malsaine, et un ensemble oppressant réussi.

Après la tuerie menée par Kevin dans son lycée, Eva, rongée par la culpabilité, cherche dans ses souvenirs d'où aurait pu venir sa responsabilité. Le travail de Lynne Ramsay sur le complexe d'Œdipe est évident : Kevin ne sait pas, depuis sa naissance, comment exprimer son amour pour sa mère. D'incompréhensions en silences lourds, la relation entre cette mère désemparée et son fils maléfique devient vite insupportable.
Le film est trop centré sur une période de l'enfance et regorge de flashbacks incessants, ce qui crée un problème de rythme. D'autant que le propos de la réalisatrice et scénariste est clair, mais elle insiste et s'attarde, jusqu'à perdre en crédibilité. Peut-on vraiment déceler la violence si tôt ? Les racines du mal sont-elles visibles dès les premières années de vie d'un être humain ?
Enfin, comment une mère peut-elle être aussi patiente avec un tel monstre sans chercher de l'aide extérieure (ou si peu) ? Cela participe peut-être du souhait de Lynne Ramsay de maltraiter psychologiquement le public... Elle en rajoute même en liant directement l'un des seuls moments de bonheur partagé entre mère et fils à l'acte irréparable de celui-ci.

Éprouvant, étouffant et dérangeant, We Need to Talk about Kevin ne laissera personne indifférent.


Tilda Swinton :
L'Étrange Histoire de Benjamin Button

11/10/2011

Restless - Gus Van Sant


L'on aura beau parler de l'identité visuelle de Restless, des thèmes de prédilection de son réalisateur (la jeunesse et la mort), et de la luminosité avec laquelle est traité un sujet sombre et difficile, Gus Van Sant est quelque peu absent de son travail. Il y a certes les ingrédients, mais le résultat est à la limite d'être fade.

On trouve dans Restless de jolies scènes pleines de poésie et de bonnes idées (silhouettes dessinées à la craie sur le bitume ; Hiroshi, le fantôme japonais). On y entend Two of us des Beatles en ouverture puis du Sufjan Stevens ; et l'on y découvre Henry Hooper (fils de Denis ; le film est d'ailleurs dédié à ce dernier), qui promet d'avoir une belle carrière.
Mais, à l'image de l'actrice principale, le film manque de caractère. Mia Wasikowska n'a pas le talent pour porter le rôle d'une adolescente en phase terminale de cancer, et le couple qu'elle forme avec Henry Hooper ne fonctionne pas tant il est doucereux. L'erreur monumentale représentative de cet échec est d'avoir choisi Sympatique de Pink Martini pour une longue séquence sans dialogue. Du gâchis d'images.
Par ailleurs, la relation que ces deux jeunes entretiennent avec la mort n'est que partiellement abordée. La cause ? C'est un long métrage sur la vie. Mais la légèreté de ton, l'esthétique générale et l'économie de personnages secondaires (pourtant intéressants) éloignent de l'émotion. Gus Van Sant contourne. Et à trop vouloir échapper au larmoyant, il ne se dégage aucune tension de Restless. L'on en vient même à être mal à l'aise d'admettre que l'on reste plutôt indifférent.

Une déception.

Mia Wasikowska :

05/10/2011

Crazy, Stupid, Love - John Requa & Glenn Ficarra

Ryan Gosling est aussi à l'écran dans Crazy, Stupid, Love de John Requa et Glenn Ficarra, une comédie romantique dont certains devraient s'inspirer. Parce que dans ce film, les clichés sont manipulés pour être dépassés ; les deux réalisateurs ont respecté les codes du genre, mais sont souvent parvenus à jouer avec eux. Cela dit, on n'est pas tout à fait dans la veine de Love Actually non plus !

D'abord, Requa et Ficarra disposent d'acteurs aussi polyvalents que singuliers : Steve Carell, Ryan Gosling, Julianne Moore, Emma Stone, Kevin Bacon... Un cocktail explosif d'amour, de tendresse, de tristesse, de classe et d'humour teinté de romantisme.
Ce qu'ils ont fait de mieux avec ce casting, c'est de développer l'histoire de chaque personnage (jeunes et moins jeunes) et d'enchevêtrer les situations, sur une bande originale agréable (Miike Snow, Goldfrapp, The Middle East, etc.). Néanmoins, si l'on n'entre pas dans le comique d'exagération, l'on risque probablement de trouver le temps long et la conclusion maladroite à cause de nombreux rebondissements.
On peut reprocher à Crazy, Stupid, Love d'avoir un scénario et des idées de fond trop convenus, mais n'est-ce pas aussi, dans une certaine mesure, ce que l'on attend ? Et non, Ryan Gosling n'est pas seulement sexy et irrésistible, il est aussi un excellent acteur au pouvoir comique insoupçonné.

"Are you Steve Jobs ? No. Oh, okay. Well, in that case you have no right to wear New Balance sneakers, ever."


John Requa & Glenn Ficarra :

Julianne Moore :

Ryan Gosling :
Drive
Blue Valentine