Inception, je l'attendais depuis un an. Un an à rêver grâce à des teasers alléchants. Et, en général, quand on attend un film depuis si longtemps, on est déçu. Mais là, on parle de
Christopher Nolan (qui a signé l'excellent
Memento et, plus récemment,
The Dark Night) et de toute son équipe. Du scénario à la réalisation, en passant par la musique, la photo, les performances d'acteurs et les effets spéciaux, tout est travaillé, et tout est fascinant.
Dom Cobb est un fugitif. Voleur expérimenté et spécialisé dans l'extraction, c'est-à-dire dans l'art de subtiliser des informations par le rêve, Cobb doit réaliser l'impossible pour pouvoir retrouver sa vie d'avant : l'inception. Au lieu de dérober un secret, il doit semer une idée dans l'esprit d'une personne.
Dans les rêves tout paraît normal, ce qui laisse une liberté infinie au réalisateur. Dans
Inception, il y a autant de niveaux de lecture que de réalités. La narration est complexe, fragmentée par la construction d'intrigues imbriquées. Et c'est tout le cinéma qui s'y exprime. Entre science-fiction, suspens, film d'action et drame émotionnel,
Inception marque autant le septième art que
Matrix en 1999. Et derrière le désordre psychologique illustré par un labyrinthe onirique, se cache une déchirante histoire d'amour. Même dans ce registre,
Nolan ne s'égare pas et traite délicatement le sujet, sans jamais tomber dans la niaiserie habituelle au cinéma.
Avec un casting aussi pointu, on ne peut s'empêcher de s'attarder un peu sur les comédiens. Certains, comme
Leonardo DiCaprio,
Joseph Gordon-Levitt et
Marion Cotillard (inquiétante dans le bon sens du terme), sont présents dès la magistrale scène d'exposition qui s'éloigne des traditionnelles mises en bouche. D'autres, comme
Tom Hardy (aussi bon faussaire que son personnage),
Ellen Page et
Cillian Murphy, viennent renforcer le jeu dans la suite du film.
Leonardo DiCaprio, après l'excellent
Shutter Island de
Scorsese, ne change pas beaucoup de registre en interprétant un homme rongé par le remords et hanté par le souvenir de sa femme, mais réussit à donner vie à un personnage différent.
Joseph Gordon-Levitt, le héros de
(500) jours ensemble, supporte l'apesanteur comme personne... Il a gagné en élégance et en maturité, alors qu'
Ellen Page (
Juno,
Bliss) semble encore petite au milieu des "grands", mais défend toute de même très bien son rôle. Pour la troisième fois sous la direction de
Nolan,
Cillian Murphy, mémorable dans
Le vent se lève de
Ken Loach (Palme d'or 2006), est toujours aussi délicieux.
En ce qui concerne la compréhension d'Inception, au premier degré, on peut être légèrement perdu, mais il y a nettement moins de mystère que dans du Lynch, par exemple. Car, si les dialogues sont vifs et l'histoire originale dans les deux sens (enfin une cette année !), le montage, lui, donne les clés des diverses strates de temps. Sur le fond, on peut se poser des questions, mais la forme est relativement explicite. Quant à la fin, elle est ouverte et laisse le soin à chaque spectateur de se faire ses propres interprétations. Enfin, on peut aussi émettre diverses hypothèses sur l'ensemble du film comme : et si tout ça n'était qu'un rêve ? C'est très certainement celui de Cobb. Hormis le fait que la musique, créée par le maître Hans Zimmer, soit tendue, dramatique et sombre, elle n'est pas là simplement pour soutenir l'image. Les notes angoissantes du thème principal ouvrent et ferment le film comme pour signaler une intrusion. Nolan et toute son équipe réussiraient donc à pratiquer l'inception sur les individus assis dans les salles de cinéma (ces endroits de transition entre rêve et réalité) en implantant une idée, un virus, le doute.
Inception a sur le spectateur le même effet que la possibilité d'une création pure sur le personnage d'Ellen Page : l'expérience donne envie d'y revenir encore. C'est comme une drogue (les personnages ne se piquent-ils pas pour intégrer un rêve ?). Je suis donc retournée dans une salle obscure pour revivre ce rêve cinématographique bien réel. Et le doute persiste toujours sur le fait de savoir si notre réalité l'est aussi.
Un brillant film cérébral !