12/09/2010

Mon Rock en Seine 2010

Rock en Seine accueille ses festivaliers sur un magnifique site classé : le domaine national de Saint-Cloud. Mais Rock en Seine perd, d'année en année, ce qui lui donne son nom : une vraie programmation rock. Pour cette édition 2010, sur les quarante-sept groupes invités, moins de la moitié valent vraiment le déplacement. Cependant, l'ambiance festival est là, on a l'impression de ne jamais être parti de Rock en Seine 2009 et, de toute façon, il est impossible d'assister à tous les concerts. Alors, on se fait son propre programme, sans oublier de petites pauses pour se sustenter et jeter un œil sur les expositions.


Vendredi 27 août :

Minus the Bear
Le festival s'ouvre sur une grosse averse très rock et la prestation tout à fait honorable de Minus the Bear. Sur la scène de la Cascade, le groupe américain livre une pop indie rock pas désagréable. On s'installe au deuxième rang et on se met doucement dans l'ambiance...

Band of Horses
On reste dans le rock américain sur la scène de la Cascade avec Band of Horses, originaire de Seattle comme le groupe précédent. La performance est carrée, ni transcendante ni médiocre, juste ce qu'il faut pour passer un bon moment. Un concert légèrement rehaussé par la belle progression de The Funeral en fin de set.

Foals
Vivre l'un des plus beaux moments d'un festival le premier jour, ça a quelque chose de magique et de triste à la fois. Magique parce qu'intense et unique, triste parce qu'on se dit que le temps passe trop vite et qu'il faut en profiter au maximum. Au Printemps de Bourges 2010, le concert de Foals se chevauchait avec celui de Two Door Cinema Club, alors on avait sacrifié la fin de l'un et le début de l'autre pour voir un peu des deux. Pour Rock en Seine 2010, le choix est très simple : le concert se vivra dans son intégralité, en plein milieu de la barrière. L'ambiance est électrique, le ciel menaçant. Dans la fosse, on a hâte que le groupe joue. Yannis, qui porte un t-shirt "Nirvana", arrive enfin sur scène avec ses musiciens. Ils commencent classiquement avec Total Life Forever avant que la foule ne se déchaîne sur Cassius. On se régale avec Miami et on se laisse complètement emporter par la folie sur Balloons, Red Socks Pugie, Electric Bloom ou encore Two Steps, Twice. Après quelques hésitations, Yannis descend même de scène avec sa guitare pour jouer plus près du public. Mais la véritable osmose, le moment le plus incroyable, a lieu lorsque le groupe interprète la merveilleuse Spanish Sahara. La pluie se met à tomber délicatement pendant l'intro et s'intensifie en même tant que la montée de la chanson. On est trempé quand vient l'explosion musicale... Fabuleux. La puissance du moment est renversante et panse les bleus qui apparaissent déjà sur les peaux meurtries par la barrière. Il faut du temps pour se remettre d'un tel instant.

The Kooks
Passer après Foals, c'est dur. Et malgré toute la bonne volonté des Kooks, et un public de fans avertis, il ne se passe pas grand chose. C'est énergique, oui. Mais sans âme, comme à la Fête de l'Huma en 2009. On essaie de se forcer à participer, mais on s'ennuie presque en rêvant du concert précédent. Le chanteur motive ses auditeurs, faisant également des signes aux plus récalcitrants, mais ces derniers ne font qu'attendre la suite.

Black Rebel Motorcycle Club
Voilà du rock, du bon, du lourd. Quand les trois membres de BRMC montent sur scène après un extrait de Be my Baby des Roonettes, on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée pour leur ingénieur du son (et père du bassiste Robert Turner) décédé d'une crise cardiaque pendant le Pukklepop. Ils entament Beat the Devil's Tatoo et les fans manifestent chaleureusement leur ferveur. Dans un nuage épais, le groupe installe une ambiance profonde avec ses compositions travaillées, bientôt rejoint par des rayons aveuglants de lumière blanche. En live, le petit plus de ce groupe vient indéniablement de Peter Hayes, le chanteur-guitariste-bassiste encapuchonné. Ce talentueux musicien est entouré d'une bulle de mystère, et prouve que l'on peut être doué d'un charisme impressionnant, tout en discrétion. Jolie prestation !

Blink-182
Comme l'année dernière avec The Offspring, le festival offre à ses spectateurs de retomber dans leur adolescence marquée par des groupes de punk-rock américains. Et comme l'année dernière, même si, sur scène, il y a quelques petits problèmes de voix, on se surprend à chanter les paroles par cœur et à sauter en rythme. Voir Blink-182 en live, c'est un rêve oublié qui se réalise, la nostalgie atteignant son paroxysme pendant la mélancolique I Miss You. Entre chaque chanson reprise par des milliers de fans (Feeling This, The Rock Show, What's my Age Again ?, Stay Together for the Kids, First Date, All the Small Things, Reckless Abandon, Anthem Part Two...) le groupe communique avec son public, le plus souvent en faisant des blagues juvéniles et en plaçant quelques mots de français. Le concert est terminé, Underworld commence dans quelques minutes, mais on sait que le groupe réserve une surprise en rappel, alors on reste. Quelle erreur ont fait certains de partir... Dix minutes plus tard, le rideau tombe et dévoile Travis Barker harnaché au siège de sa batterie fixée sur une plate-forme ronde. Non seulement cette dernière tourne sur elle-même, mais elle effectue également un tour complet. Travis, batteur d'excellence à la puissance remarquable, se retrouve à jouer son solo la tête en bas, et toujours comme un surhomme. Un moment à graver dans les mémoires et dans l'histoire de Rock en Seine.

Underworld
Cette première journée se termine sur Underworld, mais il est extrêmement difficile de se tenir debout et d'aller au cœur de la fosse. Alors, on écoute bien sagement, au fond ; dans ce genre d'événements, ce sont les moins sages qui sont devant ! Malgré l'énergie du groupe et les souvenirs qui refont surface, on se dirige doucement vers la sortie, le corps épuisé comme s'il avait déjà vécu les trois jours du festival. Mais les oreilles, toujours à l'affut, entendent les premières notes de Born Slippy. Impossible de ne pas faire marche arrière pour vivre ce moment : un morceau de la bande originale de Trainspotting, en live...


Samedi 28 août :

Plan B
Quand on veut être à la barrière pour voir un artiste que l'on aime sincèrement, il faut arriver tôt et supporter les groupes qui passent avant. Parfois c'est sympa, parfois c'est un supplice. On se souvient encore de l'expérience douloureuse, en 2009, de Sliimy sur la scène de la Cascade, avant Les Petits Pois (Them Crooked Vultures). Cette année, c'est Plan B, sur la même scène. Pourtant, ça démarrait plutôt bien avec Faith SFX, un beatbox humain impressionnant. Mais le groupe fait son entrée, et c'est à la limite du supportable. Du hip-hop, du rap, du r'n'b, de la funk, de la soul (oui, on est toujours à Rock en Seine), et le tout en costume. Les musiciens sont statiques et loin d'être irréprochables techniquement, et le chanteur à l'air d'un banquier après sa journée de travail. Aucune classe, aucune émotion. À fuir !

Two Door Cinema Club
Les adolescentes émoustillées débarquent, c'est bientôt l'heure de TDCC. Pendant le show, dans les premiers rangs, ça pousse, ça saute, ça crie, ça chante. Sur scène, le groupe enchaîne les titres de son album à tubes (I Can't Talk, Something Good Can Work, Undercover Martyn, Eat That up, It's Good for You...), et semble ravi de jouer. Malheureusement, le chanteur a quelques problèmes de justesse ; et aussi festives soient les chansons, on n'attendait rien de grand après leur prestation au Printemps de Bourges 2010.

Jónsi
Écrire seulement trois points de suspension serait une solution de facilité, mais ça résumerait bien le fait qu'il est impossible de retranscrire tant d'émotion. En plein milieu, à la barrière, on ne manque rien de ce qui se passe sur scène ; Úlfur (qui a toujours son bras dans le plâtre), Jónsi, Alex et les autres préparent leur show. D'ailleurs, les essais micro de Jónsi procurent déjà un petit peu de bonheur ; on sourit avec les lèvres, mais aussi avec les yeux. Certains savent déjà depuis quelques heures que le matériel électronique de Jónsi est resté au Portugal et que le concert sera acoustique. Une expérience plus intime à vivre après son passage explosif au Bataclan le 7 juin. Le manager annonce la nouvelle, en français, à un public qui semble plutôt soulagé de ne pas entendre que le concert est annulé. Ensuite, pendant neuf chansons, on est transporté sur un nuage de douceur, le choix des morceaux s'étant probablement fait en fonction des possibilités d'interprétation en acoustique : Stars in Still Water, Icicle Sleeves, Kolniður, Boy Lilikoi, Sinking Friendships, Tornado, Saint Naïve, Go Do et une version écourtée de Hengilás. Côté spectateurs, ce ne sont pas les mêmes que ceux du 7 juin au Bataclan (ils applaudissent alors que Tornado n'est pas terminée, par exemple), mais ils semblent happés par la magie islandaise. En même temps, rien de plus normal : les génies se font rares, et quand on en découvre sur scène, comme ça, par hasard, dans un festival, cela doit être poignant. Quant à moi, je suis dans une bulle ; ça se passe entre eux et moi, et je me retiens de pleurer...

Queens of the Stone Age
Après le trop court moment islandais, et la difficulté à déserter l'espace devant la scène de la Cascade pour cause de frustration, on se dirige doucement vers la Grande Scène où va se produire QOTSA. En chemin, la voix de Josh Homme se fait entendre sur une énumération de diverses drogues : Feel Good Hit of the Summer. En plus d'être un chanteur d'exception, Homme est un guitariste incroyable, et son charisme rameute presque la totalité des festivaliers, de la même façon qu'il avait attiré la fosse le 29 février 2008 au Zénith de Paris. L'année dernière, sa venue à Rock en Seine avec TCV était restée secrète jusqu'au dernier moment (sauf pour certains), et beaucoup n'ont donc pas assisté au concert. Cette année, les fans de Josh se sont déchaînés sur treize chansons de rock des cavernes, dont Sick, Sick, Sick, Misfit Love, et un final (ressemblant à celui de leur passage au Zénith en 2008) sur Go With the Flow, No One Knows et Song for the Dead, avec un batteur toujours aussi dingue ! De la qualité, mais pas mieux qu'en salle.

LCD Soundsystem
Évidemment, devant la scène de la Cascade, une foule dense s'est installée. Alors, sans trouver la force physique de se plonger dans cette fosse motivée, on profite du show depuis les derniers rangs. LCD Soundsystem aurait facilement pu remplir la fosse d'une Grande Scène, mais les concerts à sonorités un peu électro semblent bannis de celle-ci. Le public apprécie vraiment la prestation du groupe, qui joue, entre autres, Drunk Girls, l'excellent Daft Punk is Playing at my House et Tribulations. Mais Massive Attack va commencer sur la Grande Scène, donc on part pendant Yeah, déchiré de ne pouvoir assister à la fin inévitable que l'on entend de loin : New York, I Love You but You're Bringing me Down, suivie d'une cover d'Empire State of Mind de Jay-Z et Alicia Keys.

Massive Attack
L'amertume de ne pas avoir profité de la fin du concert d'LCD Soundsystem disparaît dès les premières secondes de la performance de Massive Attack, qui commence par United Snakes et sa batterie énergique mêlée à des voix planantes. Une claque. Violente. Pendant tout le show, leur musique trip-hop se répand sur le Domaine de Saint-Cloud, et ce jusque dans les tripes du public. Le son est étonnamment très bien réglé ; et de la première à la dernière chanson, en passant par un enchaînement divin Teardrops-Angel, c'est un trip total, magnifié par un visuel intelligemment travaillé (défilé de chiffres, de marques et de titraille française au contenu déprimant). Impossible de ne pas être en transe jusqu'à la dernière note de Atlas Air qui clôt la setlist, et même encore après. Car, c'est un peu machinalement que l'on se dirige vers la scène de la Cascade où 2 Many DJ's se produit. Et, finalement, l'envie de rester dans l'ambiance moelleuse que le groupe de Bristol a créée est plus forte. On laisse donc le mash-up des DJ belges aux clubbers du samedi soir...


Dimanche 29 août :

The Temper Trap
Le programme de la journée est loin d'être fantastique, mais il commence avec les très bons The Temper Trap sur la Grande Scène. Leur travail en studio n'est pas trompeur ; le groupe australien assure en live. Après deux premières chansons abîmées par des petits soucis de réglages de micro, Dougy Mandagi place sa voix et peu enfin monter tranquillement dans les aigus. Dotées de lignes de basse solides, de guitares électriques faisant croire que le ciel n'est plus gris, et d'une batterie efficace, les compositions travaillées de la formation élèvent le niveau des groupes qui gagnent à être connus. C'est une belle confirmation, et c'est agréable.

The Black Angels et Eels
Sur la scène de la Cascade, The Black Angels déçoit. C'est mou, répétitif et le son est mauvais. Peut-être faudrait-il voir le groupe dans un cadre plus intimiste ? De l'autre côté, sur la Grande Scène, on découvre Eels qui tente de s'en sortir, en vain. C'est fade, c'est vieux, et l'énergie n'est pas là. On se déplace de scène en scène, mais on s'ennuie partout...

I Am un Chien
Et enfin, pour la première fois en trois jour de festival, on est attiré vers la scène de l'Industrie, où l'envie semble se montrer. Sans artifice et sans prétention (et ce dernier point est étonnant), I Am un Chien délivre son électro-rock avec enthousiasme et passion. Ce n'est pas transcendant au niveau musical, mais ça fait son effet sur le public. David Fontao, qui fait de la pub pour son frère en portant un t-shirt "Stuck in the Sound", est sincèrement ému de se produire à Rock en Seine. Mais les moments les plus touchants sont ceux qu'il partage avec son frère José (chanteur de Stuck in the Sound, donc, et de You!), qui le rejoint sur scène le temps de deux ou trois chansons (et confirme par ailleurs son talent vocal). Il y a une réelle complicité entre eux, les regards et les échanges sont forts ; c'est tellement sincère que, à la fin d'un des morceaux, ils se jettent dans les bras l'un de l'autre.

Beirut
Côté sincérité, on ne peut pas en dire autant de Beirut. Il n'y a aucune étincelle, le son est désagréable et les chansons se ressemblent toutes. Avec leurs instruments en grand nombre, les musiciens essaient de dissimuler leur manque de magie et de talent. Errer dans le festival semble être une solution plus supportable que de rester là à ressasser l'idée qu'on est censé être dans un festival de rock.

Crystal Castles et Arcade Fire
Depuis plusieurs mois, une question se pose : qui choisir pour clôturer son propre festival quand on aime les deux groupes programmés en soirée, à la même heure ? Les organisateurs de Rock en Seine ont créé un vrai problème. Un dilemme 100 % canadien. Arcade Fire, la Grande Scène où s'est produit The Prodigy l'année dernière, et une foule reprenant les refrains entêtants, ou Crystal Castles sur la plus petite scène, avec la même énergie que The Prodigy l'année dernière, et un public enflammé ? Quelques heures avant le début de ces concerts, c'est CC qui gagne le match pour finir dans la folie et les coups, comme l'année dernière. Seulement, le public n'est pas le même... Absents les hommes virils et la violence franche ; présents les adolescents défoncés par l'alcool et les cigarettes pleines de produits illicites. Après une longue attente pour être sûr d'avoir une place devant, le groupe d'électro screaming fait son entrée, et c'est parti pour le gâchis. Sur scène, ça hurle et c'est intense. Dans la fosse, ça hurle et c'est pénible. Entendre "Aaaaaliiiiice" dans ses oreilles pendant les deux premiers morceaux, c'est juste insupportable. Direction la Grande Scène, parce qu'un concert de CC, ça ne se vit pas à l'extérieur de la fosse. Le sentiment de frustration est si intense que la fin du festival est déjà gâchée. Savoir qu'un concert qu'on avait vraiment envie de voir se déroule à quelques dizaines de mètres rend la prestation d'Arcade Fire moins captivante. D'autant que leur performance bien sage est interrompue par une pluie torrentielle, qui n'arrête pourtant pas Alice que l'on entend s'époumoner au loin... Un quart du public a déjà quitté les lieux, mais, de toute façon, AF ne revient sur scène que pour jouer Wake à sa fanbase. Le show n'a rien d'extraordinaire, comme on l'entend souvent à propos des lives de ce groupe. On repart, trempé, avec l'assurance que ce concert restera dans les esprits surtout à cause des conditions météorologiques...


Même si cette édition de Rock en Seine se termine sur une note moite et décevante, on sait qu'on reviendra l'année prochaine, avec l'espoir d'une programmation plus rock et moins d'attente concernant la clôture, qui ne sera jamais aussi puissante que celle de l'édition 2009.

3 commentaires:

  1. J'ai du mal à être ok avec vous.
    Ce festival peut être une véritable découverte pour des personnes qui s'intéressent à la musique et qui ont une oreille musicale développée (formation musicale, solfège,...etc).

    RépondreSupprimer
  2. Je vais finir par ne plus lire tes revues !
    Et pour cause, je regrette à chaque fois de ne pouvoir participer à tout ce que tu vis en live !

    RépondreSupprimer

De la critique positive et négative, oui ! Mais toujours construite et justifiée, merci !

L.