30/04/2010

Mon Printemps de Bourges 2010

Et surtout, mon premier Printemps de Bourges... Pour cette édition 2010, le festival annonçait une programmation alléchante : des choix se sont donc imposés d'emblée. En effet, la manifestation ne proposant pas de pass pour accéder à toutes les salles de concert, il a fallu s'organiser. Mais le festival musical de Bourges, c'est comme une grande fête de la musique : le site étant la ville elle-même, tous les bars participent à l'événement. Néanmoins, s'il règne une bonne ambiance toute la journée, le spectacle de la déchéance humaine se dévoile passée une certaine heure... On pourrait en dire beaucoup sur le séjour dans son ensemble, mais je garde ça pour moi et fais place à la musique !


Mercredi 14 avril :

Izia
Après une petite attente due à une organisation moyenne pour faire entrer les festivaliers au Phénix, l'une des scènes du Printemps de Bourges, on est directement mis dans l'ambiance avec l'énergie débordante d'Izia. Oui, elle a de la voix. Mais,  finalement, avoir manqué le premier quart d'heure s'avère ne pas être regrettable. Trente-cinq minutes suffisent amplement car sa puissance vocale devient cri et son interaction avec le public devient démonstration d'immaturité. En bref, c'est "too much".

Émilie Simon
Voilà l'exemple parfait de l'artiste à l'univers à part entière. Un univers dans lequel on entre ou non, mais dont la créativité est impossible à nier. Avec sa voix à la Kate Bush, Émilie Simon joue ses dernières compositions et retravaille deux chansons de l'album Végétal, Fleur de Saison et Opium, dans l'ambiance de ce nouveau projet. Le travail d'adaptation, elle le connaît bien puisqu'elle l'avait déjà fait pour une chanson d'Iggy Pop. Elle ose d'ailleurs rendre hommage à "ce grand monsieur" qui jouera plus tard dans la soirée ; et elle fait bien car, seule à la guitare pour I Wanna Be Your Dog, elle se montre bien plus généreuse qu’avant. En janvier 2006, au Grand Rex, elle semblait prétentieuse ; là, elle a vraiment l’air heureuse d’être au Printemps de Bourges.

Archive
Un plaisir corporel et spirituel servi par de véritables artistes. On prend ces Pills qu'Archive offre au public pour commencer, et c'est parti pour un trop court moment de transe. Quel bonheur de constater que le son et l'ensemble du show (à noter également : la présence de la chanteuse) sont bien meilleurs que lors de leur prestation au Zénith de Paris en octobre 2009 ! Même si le temps limité en festival contraint le groupe de jouer en majorité des chansons de Controlling Crowds et Part IV, la setlist reste très bonne en mêlant douceur et énergie, et ils n'oublient pas les fans moins récents avec une version intense de Sane. Les compositions et leur éclectisme sont ainsi mis en valeur. C'est fort dans tous les sens du terme. C'est sincère, planant et profond ; tout simplement l'un des meilleurs concerts de ce festival.

Iggy & The Stooges
Côté Iggy, on se demande comment il fait pour faire preuve d'une telle énergie sur scène à plus de soixante ans ! Fidèle à lui-même, il se déshabille, se traîne par terre, saute partout (même dans la fosse), simule un fixe de drogue avec son micro... Mais côté Stooges, c'est très moyen ; et la musique n'a rien de transcendant. L'anecdote sympathique, c'est qu'on a eu droit à deux versions de la même chanson en une soirée (I Wanna Be Your Dog) !


Jeudi 15 avril :

Lucy Lucy !
Pendant quelques jours, en se promenant dans les rues de Bourges, on entend beaucoup de groupes se produire sur des scènes accessibles à tous. Parmi eux, Lucy Lucy !, cinq jeunes Belges à la timidité attachante et au potentiel très prometteur. C'est le seul groupe en programmation gratuite (Pression Live) qui semblait être composé d'artistes talentueux. Leur rock teinté de folk et de pop mérite une attention toute particulière.

Gazelle
Au 22, la programmation des salles Est et Ouest se chevauche. Pour commencer la soirée, à l'Est : une blague. Les vêtements, la mise en scène, les danses... Tout semble faire partie d'un énorme sketch. Le style de Gazelle est hétérogène : une base afro-électro mais une musique inclassable. Le chanteur, contrairement au batteur et au bassiste, n'est pas mauvais ; la chanteuse, présente au début pour faire la potiche, a quand même une voix ; le DJ est fou et toutes ses tentatives d'enchaînement sont des échecs... Est-ce vraiment un groupe sérieux ? Rester jusqu'à la fin paraît ridicule.

Health
Le passage à l'Ouest est un choix judicieux puisqu'il permet de faire la découverte artistique de la soirée. La violence du son contraste avec celui de l'autre salle ; c'est surprenant, mais dans le bon sens. Health fait du post rock noise puissant avec pas mal de sonorités électro. Les scissions entre moments calmes et violents sont très intéressants. Les musiciens jouent d'une manière assez expérimentale : ils utilisent leurs instruments d’une façon singulière. Les guitaristes, souvent accroupis pour travailler les fréquences aux pédales, font sortir des sons aux dissonances étranges. Le batteur crée des rythmes assez metal, mais sans double pédale. Ils ont aussi trois micros chants avec divers effets ; et le bassiste, à l'attitude plutôt effrayante, réalise volontairement des larsens avec le sien. Ces quatre jeunes musiciens de Los Angeles sont la seule satisfaction de la soirée.

Lonelady
Ensuite, très bref passage de l'autre côté pour voir une énième fille avec sa guitare, qui a bien choisi son nom : Lonelady. Le batteur se croit excellent et la différence d'énergie qu'il y a entre les deux personnes sur scène participe de l'absence total d'harmonie. C'est plat, fade, sans intérêt. Heureusement qu'il y a un bar et quelques sièges entre les deux salles, même si la plupart des gens présents semblent n'être là que parce qu'il faut se montrer ou écrire un article.

Teenage Bad Girl
Au fur et à mesure de la soirée, les espoirs de passer un bon moment musical se sont reposés sur Teenage Bad Girl. Le petit bug technique du début ne semble pas démotiver le public survolté, mais c'est malheureusement toujours aussi décevant en live. Le DJ set en première partie de Vitalic au Bataclan, en novembre 2009, n'était pas une exception. Même si l'un des deux membres semble investi, l'autre a une attitude clownesque pitoyable : il fume, porte des lunettes de soleil et balance son poing en l'air. On assiste à une succession de performances techniques sans âme : il n'y a rien d'artistique ni de créatif. C'est le cliché du groupe hypocrite qui a cette volonté première de créer quelque chose à la mode et qui produit donc quelque chose d'essentiellement mauvais. Ils veulent se rapprocher de Daft Punk et de JusTice, mais pas ils ne sont pas sincères dans leur démarche. Ça ne fonctionne pas et ça tombe dans une facilité superficielle qui les range au niveau des imposteurs de la french touch 2.0. Finalement, ils portent eux aussi très bien leur nom : on pourrait les engager pour des soirées d’adolescents alcoolisés et irrespectueux qui montent sur la scène comme dans une boîte de nuit...

Koudlam
Seul avec son ordinateur, il lance des sons et chante dessus avec des effets. Koudlam, celui qui s’autoproclame "The french symphonic composer", devrait apprendre la modestie, surtout quand on remplace un groupe comme Delphic (absents à cause de l'annulation de leur vol après le réveil d'Eyjafjallajökull). C'est le coup de grâce qui achèverait n'importe quel musicophile, jusqu'à préférer rentrer sans avoir vu ni The Subs ni Uffie.


Vendredi 16 avril :

Black Joe Lewis
Cette nouvelle soirée au Phénix commence par un concert de blues rock moyen, même si l'on ne s'ennuie pas. Le chanteur est assez charismatique, il a une voix chaude et puissante, mais les musiciens sont très moyens et les compositions très basiques.

Gaëtan Roussel
Il faut d'abord dire que Gaëtan Roussel s'est complètement éloigné du son de Louise Attaque. Il fait maintenant une pop aux compositions assez banales et aux paroles (en français et en anglais) un peu niaises. Le concert est homogène, les arrangements sont intéressants et il y a une bonne ambiance entre le chanteur et ses musiciens. Mais on ne s'accroche à rien, on ne rentre pas dedans, d'autant qu'il faut reculer pour ne pas subir le son trop fort.

Rodrigo y Gabriela
Comment décrire un tel concert ? C'était déjà magnifique sur album, c'est sublime en live. Au-delà d'une technique parfaite en harmonie avec leur don artistique, la présence de Rodrigo y Gabriela est incroyable. Ils sont généreux, souriants, agréables... Ils arrivent, avec deux guitares classiques, à créer un univers riche en influences et en création, sincère, proche de la perfection absolue. Pendant une heure de bonheur, de frissons et d’émotion pure, on se dit que l'espoir est porté par ce genre d’artistes et que tout n'est pas perdu en musique. C'est l'antithèse de la médiocrité, le gros coup de cœur du festival, et de très loin.

John Butler Trio
Une bonne ambiance, d'excellents musiciens et un chanteur à la voix maîtrisée et claire peuvent ne pas toucher tout le monde. C'est le cas avec John Butler Trio : festif et sans profondeur. Le concert est de qualité et plaît grâce à une musique joyeuse qui transmet l'optimisme des beaux jours, mais ça ne me transporte pas.

Caravan Palace
Pour clôturer la soirée, Caravan Palace envahit le chapiteau avec son électro-jazz manouche. L'idée de mélange des sons est bonne, mais c'est surjoué en live. L'impression finale est mitigée car, bien qu'il y ait des choses intéressantes (clarinette, violon), rien n'est approfondi ; et, à terme, on s’ennuie dans cet univers assez étroit. D'autre part, le show est organisé pour que la chanteuse ait le temps de se changer et de faire son défilé de minirobe, minishort, etc. Elle se jette à plat ventre dans la fosse et se fait toucher par des dizaines de mains : pathétique. Enfin, ils ont aussi programmé un rappel, ce qui est assez prétentieux dans le cadre d'un festival.


Samedi 17 avril :

Staff Benda Bilili
Ce groupe originaire de Kinshasa est composé de huit musiciens handicapés. Staff Benda Bilili joue ses chansons nourries d'influences africaines et cubaines sans rien d'extraordinaire. Après deux chansons, partir se révèle être la meilleure chose à faire pour aller se sustenter avant la longue soirée...

We Have Band
Euh... Comment dire... We Have Band semble avoir la volonté de recréer l’univers disco des années quatre-vingt, mais cela ressemble plus à une parodie qu’à un hommage ou une recherche d’influences. Le bassiste est sans relief, la fille n’est là que pour justifier l’idée d’être un groupe (comme leur nom l’indique). C'est chiant à mourir. Le public est peu réactif (même les plus alcoolisés ne bougent pas). À éviter à tout prix !

The Very Best
Ce soir, les concerts empiètent les uns sur les autres, entre Le Phénix et Le Palais d'Auron, pour que le son ne s'arrête jamais. Dans la deuxième salle, c'est une farce qui se joue : The Very Best. Il faudrait plutôt les appeler The Very Worst. Mêlant rap-ragga, pop-rock dance et afro beat, le groupe qui se présente avant même d’avoir commencé est à fuir d'urgence.

Pony Pony Run Run
Ou quand l’industrie musicale pourrit le potentiel d’un petit groupe français prometteur. On est bien loin des Pony Pony Run Run qui présentaient leur premier album en juin 2009 à La Boule Noire... On a l'impression qu'ils rentrent dans les rangs pour faire plaisir à un public peu averti mais majoritaire. C'est comme s'ils répondaient à un désir immédiat au lieu de travailler des émotions. Le nombre de fans augmente en même temps que leur originalité s’épuise. Le son du Phénix est pour une fois bien réglé mais servi par une musique fédératrice sans matière.

Foals
Et enfin, le groupe qui sauve la soirée. Être déçu par Foals en live aurait été l'apothéose de la désillusion. Mais ils sont la nouvelle preuve que les groupes natifs d'Oxford sont fabuleux. Les compositions mathématiquement travaillées font aussi danser les corps moins attentifs. Dans la fosse ça saute partout ; en gradins ça prend aussi son pied. Sur scène, ils jonglent parfaitement entre leurs chansons d'Antidotes (notamment les excellentes Cassius et Electric Bloom) et les nouvelles. Total Life Forever est un deuxième album aux compositions différentes, qui ne tombe pas dans les facilités et qui confirme le talent artistique de ce groupe. Le seul point négatif, c'est que les concerts, déjà courts en festival, s'enchaînent, et que la suite a déjà commencé au Phénix...

Two Door Cinema Club
... Mais à part l'efficacité d'I Can Talk, Two Door Cinema Club n'est qu'un petit groupe au premier album très accessible comme on en voit naître chaque année. Le public, plutôt très jeune ce soir, est ravi. C'est facile, c'est dansant, c'est agréable, mais la formation d'Irlande du Nord ne révolutionne pas l'indie électro-pop-rock. Décevant.

Vitalic
On continue dans la déception ? Le son est mauvais, les basses sont mises en avant puisque le public ne réagit qu'aux "boums-boums"... Le chapiteau s'est transformé en boîte de nuit ; on n'assiste plus à un concert. Vitalic gâche décidément son talent en live. Déjà au Bataclan, en novembre 2009, la performance avait été frustrante, mais là ça atteint des sommets. La soirée s'essouffle peu à peu.

Brodinski
L'écœurement est à son comble lorsqu'on entre au Palais d'Auron pour y découvrir un DJ mixant des CD. On ressort immédiatement, ce qui fait de la prestation de Brodinski le concert le plus court du festival.

Mr Oizo
Un dernier essai avec Mr Oizo, mais non. Ça ne prend toujours pas. On n'est définitivement plus en festival, mais dans une énorme soirée électro aux performances laissant à désirer. L'envie n'est plus là pour découvrir Sexy Sushi ou encore l'un des Crookers (l'autre étant malade). Et il vaut mieux partir plutôt que d'être également déçu par les très attendus Bloody Beetroots.


Des confirmations, des déceptions, des découvertes... Quatre jours intenses ! À l'année prochaine ?

1 commentaire:

  1. T'abuses quand même, Brodinski a mixé comme un chef, un des meilleurs sets de la soirée d'ailleurs.

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De la critique positive et négative, oui ! Mais toujours construite et justifiée, merci !

L.