21/09/2011

Melancholia - Lars von Trier

Terrence Malick a filmé la création dans The Tree of Life, Lars von Trier donne sa version de la fin dans Melancholia. Quand le premier s'attarde sur la naissance de l'univers et le travail de deuil, le second se concentre sur les instants précédant l'apocalypse et la dépression. Il parvient ainsi à faire passer des vérités sur la nature humaine grâce à la science fiction.

Lars von Trier annonce la sentence dès la succession de tableaux des quinze premières minutes, sur une musique prenante et envahissante de Wagner (Tristan et Ysolde). Un prologue qui montre, au travers de ces images au ralenti et chargées de références au lyrisme allemand (la plus évidente : Ophelia de Millais), quelques réactions humaines face à l'inéluctabilité de la mort. Une planète entre en collision avec la Terre, et la question que le réalisateur se pose, c'est de savoir comment la promesse d'un tel événement agit sur l'humanité. Il propose une réponse intime, en découpant son film en deux parties, analysant en particulier deux personnalités, celles de deux sœurs qui ont des visions opposées de la vie, dans deux temporalités différentes.
Justine (Kirsten Dunst) est dépressive, souvent absente d'elle-même. Claire (Charlotte Gainsbourg), à l'inverse, est très posée, pragmatique, rationnelle. Elles se détestent autant qu'elles s'aiment et sont condamnées à cette relation fusionnelle. Impossible de ne pas faire le rapprochement avec les deux planètes qui sont sur le point de fusionner. Claire représente la Terre et l'humanité : elle est impuissante, minuscule au sein de l'univers et panique au moment de la fin. Justine accepte sereinement le désastre qui s'annonce, parce qu'elle se place déjà en dehors de la société. Elle ne croit pas en l'humanité et a également participé, à son échelle, à la déconstruction de celle-ci pendant son mariage (on pense à Festen de Thomas Vinterberg). Sombre, son visage s'illumine quand la planète se rapproche. Elle est en phase avec elle. Il n'est pas anodin, d'ailleurs, que le corps céleste porte le nom Melancholia. L'étymologie du mot mélancolie parle d'elle-même : "melas" et "kholê" en grec signifient "bile noire". La mélancolie est une véritable maladie, c'est un mal-être profond exprimé par un désespoir intense, dont l'issue est, parfois, la mort. Il n'est pas étonnant donc que plus la trajectoire de la planète se précise, plus Justine se calme et plus son mal-être se transforme en soulagement.
En dehors des multiples considérations philosophiques qu'il est possible de faire sur le film et sur son personnage principal, Melancholia est cinématographiquement maîtrisé de bout en bout par Lars von Trier. La tension se lit dans les couleurs et dans les sons, dans les plans serrés très réalistes autant que dans les séquences décalées, dans le jeu des acteurs (Charlotte Rampling, John Hurt et Kiefer Sutherland font partie du casting) et dans le montage astucieux. Melancholia est un poème à l'inquiétante étrangeté. Nul doute que le scandale déclenché par Lars von Trier au Festival de Cannes lui a peut-être coûté la Palme d'or, facilitant la tâche au jury.

Il faut être assez sensible pour recevoir ce film sidérant et bouleversant, et assez fort pour ne pas sombrer dans la mélancolie.


John Hurt :

Charlotte Rampling :
Never Let Me Go

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article qui conforte ma vision du film. Je commençais à croire que je devenais fou en lisant les articles gnan-gnan des télérama etc. qui passent mais complètement à côté !
    C'est grave quand même tous ces soit-disant critiques qui se contentent de mal résumer le dossier de presse.... bref

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De la critique positive et négative, oui ! Mais toujours construite et justifiée, merci !

L.