25/03/2010

Peter Gabriel @ Bercy, New Blood Tour, "Orchestra - No Drums - No Guitars"

Il est toujours difficile de choisir entre deux possibilités à cause de la peur du regret. Mais il faut se dire que, quel que soit son choix, du positif et du négatif sortiront de l'un et de l'autre. Pour la soirée du lundi 22 mars 2010, il fallait choisir entre Phoenix à l'Olympia et Peter Gabriel à Bercy. Et finalement, un échange de salle aurait été parfait pour avoir un meilleur son. Seulement, on ne peut pas tout avoir, et si on prend le problème sous un autre angle, avoir le choix, c'est quand même un luxe, non ?


Le monstre sacré britannique, jouant la carte des souvenirs d'enfance et d'adolescence, et celle du mystère avec l'annonce de son concert "Orchestra - No Drums - No Guitars", gagne ma préférence devant la hype des petits frenchies de Versailles et leur Olympia.
Que d'excitation en entrant dans Bercy, même si le choix de la salle semble douteux... Se dire qu'enfin on va pouvoir entendre une voix tant entendue qu'elle en est devenue familière, et voir un génie qui continue d'innover après tant d'années, c'est rare. Le nom de cette tournée porte parfaitement son nom : New Blood. Oui, Peter Gabriel offre un nouveau concept de concert et une nouvelle vie à la musique : autant celle des autres avec son sublime album de reprises Scratch my Back, que la sienne.
À 20 heures, pendant que les retardataires s'installent, Peter Gabriel entre très modestement sur scène pour annoncer sa première partie, assurée par Ane Brun. Courte prestation puisque la chanteuse norvégienne jouera seulement deux chansons, seule avec sa guitare acoustique. Si sa musique n'est absolument pas désagréable, et qu'elle fera partie des secondes voix (avec Mélanie, la fille de Peter) pendant tout le concert, elle n'arrive pas à la cheville de Kate Bush sur Don't Give Up en fermeture du show.

Mais revenons au début, parce que le programme de la soirée est très organisé. Derrière un rideau de diodes électroluminescentes, on s'installe. Et alors que l'orchestre philharmonique entame les premières notes de Sledgehammer, et que le public exulte, Peter Gabriel entre sur scène et interrompt le morceau. Ce soir, on fait autre chose ; il avait prévenu tout le monde. S'exprimant en français, et ce pendant tout le concert, il dit que les tubes ce sera pour plus tard, et que pour l'instant, ils vont jouer Scratch my Back en entier (Peter s'aidera des paroles de chaque chanson sur papier).
Dès les premières notes de Heroes, le cœur se sert et la gorge se noue, comme à l'écoute de l'album. Il n'y a qu'un génie pour reprendre un génie et créer à nouveau la magie. C'est une pure merveille et je serais curieuse de savoir ce que Bowie en pense. Les premières larmes coulent sur ces paroles de The Boy in the Bubble : "Don't cry, Baby don't cry". La relecture de la chanson de Paul Simon est parfaite. Ensuite, Mirrorball (Elbow) et son arrangement digne d'une des plus belles musiques de film donnent ce genre de frissons qui n'en finissent plus. Le corps est tendu mais le doux piano de Flume l'apaise. De toutes les reprises de Peter Gabriel, c'est sûrement celle qui se rapproche le plus des émotions que donnait la version originale (par Bon Iver). Vient le mélange des sons graves et aigus de Listening Winds (Talking Heads). Les cordes se parlent et s'entremêlent, c'est une danse musicale magnifique qu'offre l'orchestre philharmonique de Radio France.
Scratch my Back est vraiment un album-concept à l'identité construite, équilibrée et harmonieuse. La chanson suivante en est la preuve, car si The Power of the Heart (Lou Reed) transmet une émotion forte, c'est avec une délicatesse infinie. Pas comme la force des montées de My Body is a Cage. Gabriel a réussi à donner cette maturité qui manquait à la version d'Arcade Fire. Sa force, c'est aussi de savoir transcrire l'espoir en mélodies et de redonner le sourire aux auditeurs et spectateurs. Alors que pendant toute cette première partie le visuel est basé sur une ambiance aux formes et aux lignes plutôt abstraites, à dominante rouge, sur The Book of Love (The Magnetic Fields), une jolie petite histoire animée illustre les paroles de la chanson, qui se finit sur une touche humoristique. De quoi détendre le public avant la triste I Think It's Going to Rain Today (Randy Newman) et l'intense Après Moi (Regina Spektor) qui débute magistralement dans un sursaut de trompettes. En ce qui concerne Philadelphia de Neil Young, Peter Gabriel l'a simplement remise au goût du jour, tout en finesse. L'album, et donc la première partie, se termine sur la reprise risquée de Street Spirit (Fade Out) de Radiohead : une beauté épurée, une nouvelle chanson qui n'a plus rien à voir avec l'indétrônable version de Thom Yorke.

Mais le public de Bercy peut-il sentir et ressentir la valeur et l'émotion de chaque note jouée ? J'en doute sérieusement. Il est loin d'être à la hauteur de la grande classe présente sur scène. C'est une grande déception que de constater le manque d'enthousiasme à l'écoute de Scratch my Back en live. De plus, comment faire comprendre à certains qu'on est venu écouter Peter Gabriel et pas eux ? Impossible sans se faire insulter : c'est le monde à l'envers ! L'égoïsme et l'irrespect sont de sortie et gâchent le concert des autres. Sans trop s'attarder sur le sujet, et pour le clore, une dernière preuve désolante : le public n'est réactif que sur les tubes Blood of Eden, Solsbury Hill et Don't Give Up.
Une deuxième partie constituée donc de ses anciennes chansons. La dynamique après San Jacinto et Downside Up en duo avec sa fille : Us, Us, Us, Up, Up, et un final sur Solsbury Hill extraite de son premier album, Car, mêlé à quelques notes de L'Hymne à la Joie (Beethoven). Un problème technique retardera de deux minutes le déroulement du show. Le rappel est bruyant et énergique, et c'est la voix de Youssou N'Dour qui se fait entendre ; belle surprise sur In Your Eyes donc : les deux sont tout sourire et s'éclatent. Et même si la voix de Youssou est puissante et claire, Peter n'a pas à rougir de sa performance. Les années passent et il conserve sa voix au timbre si particulier : une délectation pour les oreilles pendant tout le concert qu'il termine sur un petit cadeau au piano.
Malheureusement, même si l'album Up se prêtait admirablement à une adaptation orchestrale, n'ont été jouées que Darkness et Signal to Noise : deux pépites profondes au milieu des tubes dansants. Mais dans l'ensemble, comme pour Scratch my Back, il y a un vrai travail d'arrangement sur ses anciennes chansons, et cela ne fait que confirmer le génie de Peter Gabriel. Les archets ont touché les cordes comme s'ils frôlaient ma peau : frissonnant.


Peter Gabriel et l'orchestre philharmonique de Radio France auraient sans conteste mérité un Olympia ou une Salle Pleyel, et un public plus ouvert et moins nostalgique.

6 commentaires:

  1. UN TRES GRAND GABRIEL CE SOIR LA A BERCY.
    PAS UN JOUR S'EST PASSE DEPUIS SANS QUE J'Y PENSE....

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  2. Non, non et non… Pas du tout d’accord avec votre analyse. Moi aussi, j’étais là. La salle était loin d’être « complet » comme annoncé. Le son était médiocre voire mauvais installé en face du podium, et le public était que moyennement inspiré, je les comprend… Peter Gabriel, bien que ayant une voix portante et « chrystal clear », ne m’as pas ému du tout. Comme le CD (que j’aurais dû télécharger au lieu de l’acheter, c’aurait été une première et sans regret), le concert fut ennuyeux et long. Fan depuis son appartenance à GENESIS (j’ai 49 ans, et je suis HardCore fan de GENESIS depuis que je les ai découvert en 1974) je n’ai raté aucun de ses apparitions en France, voyageant avec plaisir vers le grand nord Parisien pour déguster un de ses grands concerts. Cette fois-ci, je suis retourné dans mon lointain sud avec déception et même coléreux. Dommage… Le CD « Scratch My Back » fera un magnifique épouvantail dans mon cerisier, le concert fera un excellent « mauvais souvenir »… Tombé bien bas, j’ai peur de la suite.
    Tiens, Phil Collins sortira en Septembre 2010 un CD de reprises de la MoTown. J’espère qu’ils ne se sont pas donnés le mot, sinon on se paye encore un ratage.

    J’étais assis au-dessus des gradins, 3ème rang, avec autour de moi bien 1/5 des sièges vides ! Je suis fan, je ne peux me résoudre à rater un concert sur une simple impression d’un mauvais CD d’un très grand artiste. Je pensais bien qu’il ne chanterais pas que les chansons du dernier CD. J’ai dû voir Peter Gabriel une dizaine de fois (Belgique, Angleterre, Espagne, France) et souvent le son était travaillé et quasiment parfait, cette fois-ci, ne soyez pas mauvais joueur, le son était exécrable. Loin du podium et en hauteur (à ma place), une impression de saturation et d’écho dans la voix (souvent le son s’entendait devant puis derrière nous avec une microseconde d’intervalle) et une absence de soutien de l’orchestre (on entendait que très peu de l’orchestre). Nous avons constaté à plusieurs reprise un « tournoiement » (un « va et vient ») très désagréable de la musique. Bercy n’est absolument pas adapté à ce genre de représentations.
    Je garde de ce concert un mauvais souvenir et une mauvaise opinion. Je suis peut-être le seul (bien que nous sommes venus à 8, et seulement une a réellement aimée, nous sommes pourtant tous fans), tant mieux pour les autres. Vous avez passé une excellente soirée, j’en suis sincèrement ravi pour vous, à 195€ (concert, voyage et Hotel compris) j’aurais aimé en dire autant…

    amitiés,
    Michel VdB

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  3. Tout d'abord, ce n'est pas une analyse, c'est une retranscription d'un moment. Je n'ai pas passé une excellente soirée : il y a eu des points négatifs.
    Ensuite, comment ne pouvez-vous pas être d'accord avec moi alors que je suis d'accord avec vous (enfin pas sur tout) ?! Je dis bien plusieurs fois ma déception quant au choix de la salle car le son était mauvais.
    Rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul à garder un mauvais souvenir de ce concert. Mais, pour moi, l'émotion et le talent peuvent combler un son médiocre, et le véritable problème ce sont ces gens irrespectueux qui attendent qu'on leur servent ce qu'ils veulent au lieu de s'ouvrir, ou alors qui vivent le concert comme s'ils étaient chez eux.
    Enfin, le rapport à l'argent ne m'intéresse pas : premièrement, un artiste mérite qu'on achète son album, pas qu'on le télécharge ; et deuxièmement, je ne m'attends pas à plus ou à moins en fonction du prix d'un concert.

    L.

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  4. Cher Michel,

    Je vous soutiens sur le fait que le son était déplorable.

    Je pense que l'ingénieur du son de Gabriel, premièrement, ne connaissait pas BERCY. A savoir ; c’est un magnifique terrain de tennis (on entend très bien la frappe des balles) ou une superbe patinoire mais en aucun cas, une salle de concert.
    Deuxièmement, si il sait parfaitement sonoriser du rock avec une batterie et une basse toujours très difficile à éclaircir, je pense que la sonorisation de l’orchestre de radio France lui a posé beaucoup de soucis, et surtout à Bercy. Du coup, il a tout baissé de 20 à 25 DB pour éviter l’inexorable et fameuse bouillie berciène. Très mauvais choix car du coup, c’était vraiment mou… Avec très peu d’amplitude. Même la voix de P. Gabriel était mal réglée. Enfin … C’est Bercy…
    Mais comme je suis assez ignorant, je mets un petit bémol : peut être qu’un des nombreux (mauvais) ingénieurs du son de radio France lui est venu en aide… Et dans ce cas, c’est encore plus pitoyable…

    Bref.

    Le souci ici est uniquement un souci de production, donc de rentabilité, donc de profil, donc extrêmement néfaste à une possible émulation artistique : Ce concert ne doit en aucun cas être fait à Bercy, à la limite au Zénith, et encore. Mais comme on est en 2010 et pas en 1970, comme il faut faire du fric, comme il faut faire fermer la gueule des artistes, les manipuler, comme il faut enrichir trois salopards, vous savez, ceux qui détruisent le cerveau de nos pauvres adolescents naïfs, comme … - la liste serait trop longues – On fait donc ce concert à Bercy. Peut importe la qualité artistique qu’il en ressortira.

    Je suis certain que le même concert avec les mêmes protagonistes à l’Olympia ou à Pleyel (une des meilleures acoustiques d’Europe avec Berlin) aurait été un moment unique, d’une intensité rare.
    Il y a beaucoup de chose très intéressante dans l’arrangement de John Metcallfe. Mais comment peut-on entendre des pizzicatos de violoncelle ou encore des violons jouant Col legno qui se perdent forcement dans l’immensité acoustique de Bercy.

    Bordel de merde… Un orchestre classique à Bercy.

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  5. J'ai eu la chance d'être aux deux concerts parisiens de mars... puisqu'il a joué le même concert en avant première au studio 104 de radio france.. rien à voir avec l'acoustique de Bercy, ni avec la proximité avec l'artiste.
    La crainte était grande d'être déçue, deux jours plus tard par le concert de Bercy. Déception inexistante, pourtant, de là où j'étais (premiers rangs orchestre), le son était certes fort mais ça allait. Alors oui, il aurait pu jouer à Pleyel (à combien la place ???) ou même à l'olympia !
    Il y a une chose qui m'horripile par dessus dans le commentaire de Michel c'est le manque absolu de recul... apprécier la prise de risque (constante chez Gabriel), la volonté d'innover au lieu de porter un mépris si évident envers ce que ce gars là tente de faire passer. Phil Collins reprendra des standards de motown ! la belle affaire ! quelle innovation là dedans !!! ne l'avait il pas fait avec "you can't hurry love" ? et n'avait-il pas dit qu'il arrêtait sa carrière !!? Je le trouve éminemment plus risible que PG dans cette situation.

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  6. BARATON Jean-Yves2 août 2010 à 13:53

    Un concert fabuleux...
    Le Génie absolu
    Merci Peter de cette fabuleuse soirée

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De la critique positive et négative, oui ! Mais toujours construite et justifiée, merci !

L.