Vendredi 26 août
Edward Sharpe and the Magnetic Zeros
C'est
Edward Sharpe and the Magnetic Zeros qui ouvre le festival. Dix artistes illuminés se sont installés sur la nouvelle scène ; ils livrent généreusement quelques chansons festives, tout en complicité. Le groupe compte deux batteurs, mais pas un de trop. Rien n'est de trop, d'ailleurs, dans le travail de ces musiciens. Détendu, blagueur, un peu fou, le chanteur décide de s'asseoir au bord de la scène le temps d'une ballade, avant de communier joyeusement avec le public et ses amis sur une longue version de
Home. Les festivaliers sont enchantés.
Beatmark
Mis à part le fait qu'à la batterie se tient une demoiselle, le groupe n'a rien d'exceptionnel. La musique qui résonne autour de la scène de l'Industrie fait même fuir le public. La chanteuse n'a pas de voix, on n'entend pas bien le chanteur et l'ensemble n'a aucune âme. Autant aller voir l'exposition des photographies de Renaud Monfourny, tomber sur un concert de Game Boy, écouter distraitement
Herman Dune qui aurait mérité un rayon de soleil ou les énergiques membres de
Funeral Party.
The Kills
Malgré un dernier album décrié,
Alison Mosshart et
Jamie Hince assurent en live. Et même s'ils ne dégagent plus la même passion qu'avant, le son reste sale et profond. En bref, ça sonne. La voix de
Hotel est un peu en retrait, mais sa guitare cinglante donne toute sa puissance. Quant à
VV, elle est tout simplement envoûtante dès son apparition sur scène. Et le charme opère pendant tout le concert, soutenu par une voix délicieusement rock.
VV est fascinante, et rien que pour cela, on irait presque revoir
The Kills à l'Olympia.
General Elektriks
À peine le temps de profiter de la belle ambiance que
General Elektriks a créé sur la scène de la Cascade que les premières notes des
Foo Fighters se font entendre. On reste cependant pour assister au final sur une version déchaînée du très bon
Tu m'intrigues et un solo de batterie, mais
Rope résonne maintenant au loin, alors on se précipite vers la Grande Scène.
Foo Fighters
Il est toujours difficile de mettre des mots sur une situation surprenante. Évidemment qu'on s'attendait à une performance énorme de la part des
Foo Fighters. Évidemment qu'on savait que
Dave Grohl allait faire des blagues. Évidemment qu'on espérait qu'il prenne autant son pied au chant et à la guitare cette année qu'en 2009 à la batterie avec
Les Petits Pois (
Them Crooked Vultures). Mais là... Entre quelques notes de
Whole Lotta Love de
Led Zeppelin, des délires de gamins (pet avec la bouche, crachat après l'avoir introduit par un noble "ladies and gentlemen"...), rires, hurlements, chuchotements, battle de guitares se terminant par des jets violents d'instruments, présentation approximative de musicien ("What a man what a man on the drum : the drummer !"), descente de bières, etc., les
Foo Fighters ont proposé une playlist interminable :
Bridge Burning,
Rope,
The Pretender,
My Hero,
Learn to Fly,
White Limo,
Arlandria,
Breakout,
Cold Day in the Sun,
Long Road to Ruin,
Stacked Actors,
Walk,
Monkey Wrench,
Let it Die,
These Days,
Best of You,
Times Like These,
Young Man Blues (
Mose Allison cover),
All My Life et Everlong, quelques fois ponctuée de solos impressionnants de batterie et de guitare.
Dave Grohl avait prévenu le public de
Rock en Seine : le groupe allait jouer autant de "fucking songs" qu'il le pouvait. Les Foo ont largement dépassé le temps qui leur était réservé : ils n'étaient pas "ready to go home", et personne ne s'en est plaint ! On aurait dit un concert de clôture de festival, alors on a fait l'impasse sur
Yuksek (comment quitter Dave dans ces conditions ?). Musicalement, on aurait presque envie de ne rien dire, tant la qualité de ces musiciens est époustouflante. Ils passent de la bêtise au professionnalisme avec une aisance rare. Tous. Une seule question demeure : pourquoi n'ont-ils pas enregistré le dernier album,
Wasting Light, en live ? Ils ont fait sonner leurs nouvelles compositions de telle sorte que l'on regrette amèrement la production trop propre réalisée en studio. Ce soir du 26 août 2011, c'était rock ; c'était maîtrisé en même temps que crade et puissant. Et ça fait du bien d'entendre un peu (plus de deux heures, quand même) de musique vigoureuse délivrée par un groupe capable de donner un sens et une âme à ces bruits.
Samedi 27 août
The Streets
On a manqué
Polock, on s'est posé dans l'herbe, puis il y a eu la pluie et les
BB Brunes de très loin. Et on se demande encore si c'est l'humidité et le froid qui donnaient des convulsions... Heureusement,
Mike Skinner, accompagné de ses musiciens, a réchauffé la foule de la Grande Scène.
Et les minettes présentes pour
Interpol, incapables d'apprécier la bonne musique si ce n'est pas leur style, se sont ensuite régalées à dévorer des yeux le torse nu du chanteur.
The Streets, qui avait remplacé
Amy Winehouse il y a quelques années et qui remplace
Q-Tip cette fois-ci, a mis une ambiance incroyable pour son tout dernier concert en France.
Mike, avec son accent anglais charmant, son flow entraînant et son énergie intarissable, a rendu hommage a
Amy Winehouse, s'est jeté dans la fosse et a fait participer le public qui s'est accroupi pour se relever en même temps et sauter en rythme avant de réalisé un circle pit.
Une performance chaleureuse et réjouissante, qui a même fait naître un rayon de soleil à travers les nuages.
Interpol
Paul Banks a la classe, toujours. Vêtu de noir et de Wayfarer, il a envoûté... eh non. Si l'on veut poursuivre et parler musique, on risque de dire du mal d'un groupe pourtant efficace sur album (hormis le dernier, décevant). Seuls les fans hardcore ont pu apprécier la prestation plus que sobre du groupe.
Interpol n'est peut-être pas fait pour les festivals, surtout en plein après-midi après la tornade
Skinner... On ne passera pas
Obstacle 1. Aucun regret à se diriger progressivement vers la scène Pression Live, afin de ne pas entacher le souvenir du concert de 2007 au
Zénith de Paris.
Wu Lyf
Le concert de
Wu Lyf n'a pas encore commencé et le parterre faisant face à la scène est déjà rempli. On peut néanmoins se faufiler et trouver une petite place dans les premiers rangs, pour vivre pleinement l'expérience live tant attendue, le premier album,
Go Tell Fire to the Mountain, étant très prometteur. Après le baptême viennent la communion et la confirmation. La prestation de
Wu Lyf a fait voyager l'esprit et transpirer les corps. Certains festivaliers ont été transcendés et ont intensément demandé un rappel.
Wu Lyf n'est pas revenu, mais n'a pas déçu. On espère que ça durera !
Arctic Monkeys
Une foule compacte assiste au concert de
Arctic Monkeys. Et pour cause : les Anglais (après les Américains d'hier soir) rappellent (eux aussi) à tout le monde ce qu'est le rock. Côté technique, le son et la voix sont clairs, la batterie est mise en avant ; et côté composition, le rock garage brut des premiers albums s'est enrichi de nouvelles influences (merci
Josh Homme). La fougue du groupe est toujours là, et le charisme l'a rejoint. Le talentueux leader,
Alex Turner (qui a récemment composé la bande originale de
Submarine), ose même l'humour en présentant la chanson
Ne t'assoie pas j'ai bougé la chaise, et en reprenant cette traduction pendant le morceau. Ou comment charmer les Français(es)... Les
Arctic Monkeys se sont permis un rappel, et
Alex a eu l'élégance de remémorer à tous que son ami
Miles Kane jouait le lendemain. On aurait aimé une surprise les réunissant sur scène, il en a été autrement et personne ne râle.
Étienne de Crécy
Même si la fatigue se fait sentir, on ne peut s'empêcher de faire un arrêt à la scène de la Cascade. Dans son cube,
Étienne de Crécy s'est probablement produit longtemps devant les festivaliers les plus tenaces, mais trente-cinq minutes ont suffi pour exhumer un souvenir de 2007 au Château de Versailles : il n'a pas changé et fait toujours partie des très bons du monde de l'électro. On s'éloigne peu à peu du site, mais une nouvelle escale s'impose : depuis le pont de Saint-Cloud, on entend
Let's Dance to Joy Division de
The Wombats. D'autres souvenirs remontent. Sourire.
Dimanche 28 août
The Vaccines
Le programme de la journée est bien plus chargé que celui d'hier. Et ça commence à 15 heures sur la Grande Scène avec
The Vaccines. On avait découvert ces petits Anglais à
La Flèche d'or le 17 décembre 2010, et on attendait d'en voir plus (comme
Dave Pen d'
Archive sur le côté de la scène !). Après ce
Rock en Seine, on ne les suivra plus de si près. Leur fraîcheur a vite périmée. Même si la voix du chanteur est revenue (le concert était menacé parce qu'il était malade) et que le guitariste s'est motivé à descendre de scène pour aller saluer son public, le bassiste est toujours aussi lisse et le batteur presque absent. Le groupe n'a qu'un album et ses chansons sont courtes : il a donc joué seulement trente-cinq minutes, mais finalement, c'est mieux comme ça. Car en plus d'un manque total d'émotion, le son était mal réglé, notamment les aigus déchirant les oreilles.
Cat's Eyes
Les problèmes de son continuent de sévir. Sur la scène Pression Live, après les larsen, c'est le volume qui gâche la magie musicale de
Cat's Eyes. Les guitares sont bien trop mises en avant et désavantagent cruellement les voix. Une solution vient à l'esprit : s'éloigner le plus possible. Une fois installé derrière, c'est effectivement mieux, mais les basses vrombissent toujours dans la poitrine. Le seul moment de grâce vient avec la douce
The Lull, magnifiquement interprétée par
Faris Badwan et
Rachel Zeffira.
Simple Plan
On revient aux abords de la Grande Scène pour la petite blague de la journée : la présence de
Simple Plan. Après les groupes
The Offspring en 2009 et
Blink-182 en 2010, on avait parié sur
Good Charlotte ou
Sum 41 pour l'édition 2011. C'est
Simple Plan qui a été choisi pour rappeler leur adolescence à certains festivaliers. Même si l'on n'aime pas la musique du groupe et que le mauvais réglage du son pousse à mettre des bouchons d'oreilles, force est de constater que ces Québécois ont envie de communiquer leur joie de vivre et vont jusqu'à reprendre
Fuck U de
Cee Lo Green, une chanson de
Taio Cruz et
Raise Your Glass de
Pink pour contenter un maximum de personnes. L'ensemble est kitsch, racoleur, commercial, mais c'est drôle (le chanteur porte paradoxalement un tee-shirt de l'édition japonaise du
Unknown Pleasures de
Joy Division) parce qu'il n'y a aucune mauvaise intention derrière. D'ailleurs, au-delà du plaisir "intense" (les initiés comprendront) d'entendre parler français avec l'accent québécois, on ne peut s'empêcher de reprendre quelques paroles de
Welcome to My Life... Honte avouée à moitié pardonnée ?
Cherri bomb
Une honte vite digérée quand on assiste à celle de
Cherri Bomb sur la scène Pression Live. Les quatre jeunes filles chantent et jouent faux à quatre-vingt-quinze pour cent du temps. C'est un supplice pour les oreilles. Et en plus, elles ont osé massacrer
The Pretender des
Foo Fighters. Il faut fuir pour ne pas sombrer dans une dépression musicale.
Miles Kane
L'un des meilleurs concerts du festival arrive à point nommé, mais aurait mérité un espace plus grand que la scène de l'Industrie. Le sauveur s'appelle
Miles Kane, il est souriant, détendu, content d'être là, investi, et joue les morceaux de son excellent premier album,
Colour of the Trap, avec autant de classe qu'un miniBeatles. Ce qu'on avait écrit de lui après son passage à l'
Album de la Semaine le 29 mars 2011 est toujours vrai. Et on a hâte de le revoir et de le réécouter, encore et encore.
The Horrors
Faris Badwan est de retour avec son groupe
The Horrors sur la scène Pression Live. Il semble que la prestation avec son side project
Cat's Eyes ait servi de test son... Puissantes sans être désagréables, les guitares saturées se mêlent aux nappes atmosphériques échappées des claviers. Un moment planant à passer assis ou allongé dans l'herbe.
Deftones
Doucement, on retourne vers la Grande Scène pour apprécier quelques chansons de
Deftones. Le son est bon, il y a une bonne ambiance, et
Chino Moreno, tantôt hurlant, tantôt chantant, ravit ses fans. Il faut pourtant repartir en direction de la scène Pression Live...
Trentemøller
Bien que son concert au
Bataclan le 18 octobre 2010 ait laissé une impression mitigée, il fallait aller revoir
Trentemøller. Mais le même reproche survient : de sa voix trop forte, la chanteuse casse l'ambiance trippante développée par le DJ et ses musiciens. Après une hallucinante version post-rock de
Miss You (une tuerie) et l'enchaînement avec
Take Me into Your Skin, on préfère rejoindre la Grande scène pour le concert de clôture.
Archive
C'est dans la même configuration qu'au
Grand Rex en avril 2011 qu'
Archive se présente à
Rock en Seine : avec un orchestre symphonique qui donne une dimension particulière au rock progressif/trip-hop du groupe, mais qui ne s'est pas beaucoup fait entendre. Le show est davantage en place et le choix de setlist est presque parfait :
Controlling Crowd,
Fuck U avec une diffusion du son précise,
You Make Me Feel et
Sane ; ils ont joué
System,
Lines,
Pills (version très rock) et
Bullets un peu plus tard ; et
Dangervisit a violemment pris aux tripes avant un final sur une version longue de
Again. Le public s'est dispersé tout au long de la performance, mais celle-ci n'en a pas été affectée.
Archive a, dans le froid, prouvé encore une fois que c'était un groupe de grands musiciens.
Bilan : l'édition 2011 de
Rock en Seine n'a pas été si mauvaise. L'ensemble n'a définitivement pas été inoubliable, mais on demeure curieux de ce que les organisateurs réservent aux festivaliers pour les dix ans du festival l'année prochaine.