30/04/2011

L'Agence - George Nolfi



George Nolfi, coscénariste d'Ocean's Twelve et de La Vengeance dans la peau, signe son premier film en tant que réalisateur : L'Agence, dans lequel il retrouve Matt Damon. Un long métrage qui jongle entre romance et thriller d'anticipation, mais dont le dénouement déçoit, sans surprise.
 
Des gentils qui luttent pour faire valoir leur pouvoir de décision, des méchants malgré eux, qui font en sorte que chaque être humain ne s'écarte pas de son destin, de bons effets spéciaux maîtrisés et un éternel cliché : l'amour est plus fort que tout, c'est ça L'Agence.
George Nolfi pose une question universelle récurrente : le libre arbitre existe-t-il ou tout est-il déjà écrit ? Mais au lieu d'approfondir le sujet et/ou de se pencher sur le fonctionnement de cette agence qui dirige le monde, il met l'accent sur la volonté des deux protagonistes de ne jamais être séparés, jusqu'à la fin convenue.
Heureusement, Matt Damon (True Grit, Green Zone, Invictus) est une moitié de ce joli couple. Sauver un film, il l'avait déjà fait avec Au-delà, aidé par l'excellent George McLaren. Dans L'Agence, il est accompagné par la ravissante Emily Blunt (Petits Meurtres à l'anglaise) ; et les seconds rôles, ces mystérieux agents à chapeau, sont bien travaillés (costumes, attitudes, répliques). Néanmoins, on le sait : de très bons acteurs ne font pas forcément un très bon film.

Du Fringe faible et naïf.

23/04/2011

Archive @ Grand Rex

Ah, Archive... Une déception au Zénith de Paris le 10 octobre 2009 (son pourri et setlist moyenne), une claque monumentale au Printemps de Bourges de 2010, et... une catastrophe le 5 avril 2011 au Grand Rex, à cause d'un public irrespectueux. Un concert où la délicatesse de l'orchestre n'a eu d'égale que la haine envers des dizaines d'individus méprisables. Et lorsqu'on assiste à ce genre de soirées, difficile de se concentrer sur la musique, et donc de profiter. Pourtant, quand les membres du groupe sortaient devant le Grand Rex alors que les portes n'étaient pas encore ouvertes, le gens étaient calmes et admiratifs. À l'intérieur, ils se sont transformés en sauvages.

Quel est le mal ? En concert, on se déchaîne, non ? On montre au groupe qu'on l'adore ! Certes. Il faut surtout replacer le concert dans son contexte. Archive avait choisi d'être accompagné par un orchestre, Archive avait choisi une petite salle et Archive avait choisi de mettre des sièges dans la fosse. Alors oui, on est en droit de manifester son enthousiasme, mais il y a plusieurs manières de le montrer. S'amasser contre la scène (si haute qu'ils ont dû se faire mal aux cervicales, et tant mieux), c'était irrespectueux ; pour le public assis aux premiers rangs, qui ne voyait plus rien, et pour le groupe, qui ne semblait pas ravi de voir que quelques deux cent personnes (dans les moments les plus denses) se croyaient en boîte de nuit. La faute revient d'abord à l'abruti pitoyable qui avait déjà gâché un moment du mix de Rosko pendant la première partie (que la majorité n'a pas écoutée), à tous les moutons qui l'ont suivi devant la scène, et au vigile inutile qui n'a, comme le précise l'adjectif, rien fait. Cette attitude égoïste et déplacée reflète une incapacité évidente à écouter la musique, à savoir la recevoir.
Et en parlant de musique... Archive, c'est grand. Alors Archive avec un orchestre, on s'attendait à de l'excellence, et c'était loin d'être le cas. Au lieu de travailler à nouveau leurs compositions, ils ont simplement ajouté une donnée. Et ça ne fonctionne pas. Même lorsqu'on réussit à prendre assez de recul, à faire à peu près abstraction et à mettre ses pulsions meurtrières en suspens, la magie n'opère pas. L'orchestre placé derrière fait son travail et le groupe n'entre pas en harmonie avec lui ; les deux entités se répondent sans jamais communier. Le concert avait cependant bien commencé, sur Lights, et les chanteurs et musiciens n'ont rien à se reprocher au niveau technique. Mais il n'y a pas eu mariage, alors le groupe comme l'orchestre se sont mis en retrait, dans la probable et modeste intention de ne pas s'envahir. Ils auraient pu se dépasser eux-mêmes en se nourrissant l'un de l'autre, ils se sont finalement retenus. D'ailleurs, Archive n'a même pas pris le risque d'adapter Fuck U à l'orchestre, une idée pourtant intéressante. Finalement, quand on se dit en plaisantant après Lights : "On a tout vu, on peut partir", on n'a pas forcément tort.

Cet événement aurait néanmoins pu être agréable si l'on n'avait pas assisté à la lutte malsaine d'une partie du public, laquelle semblait jouer à "vous nous faites un show, on vous en fait un aussi". Ridicule. Non, la générosité et la reconnaissance ne s'expriment pas que dans les hurlements, la transpiration et les sauts.

La setlist :
1. Lights
2. You Make Me Feel
3. Headlights
4. The Feeling of Losing Everything 
5. Blood in Numbers
6. To the End 
7. Organ Song
8. Finding it so Hard
9. I Will Fade
10. Collapse/Collide
11. Words on Signs
12. Slowing
13. Fold
14. Black
15. Pictures
16. Bullets

Encore :
17. Dangervisit
18. Again
19. Controlling Crowds

19/04/2011

The Crying Machine @ MJC d'Évry

Dans la musique, il y a les monstres intouchables, la soupe commerciale et les talents cachés. Il n'y a pas que ça, et catégoriser est souvent réducteurs, mais The Crying Machine fait clairement partie de ceux qui connaissent la musique, qui la travaillent, qui la ressentent et qui la font s'exprimer. Et il y en a peu.

The Crying Machine jouait à la MJC d'Évry le 1er avril ; et nul besoin d'un Olympia pour savoir que ce trio a un énorme potentiel. Quand la musique transpire comme ça, même devant un public assis et réservé, ça augure d'un bel avenir. Certes, il y a quelques imperfections dans le jeu, mais l'envie et la qualité étant présentes, impossible de ne pas entrer dans cet univers ayant digéré les influences des années 1970.
Le set oscille entre mélodies planantes et riffs bien sentis allant jusqu'à l'improvisation dans le final. Et même si tout le monde peut être sensible à l'intensité que cette musique délivre, lorsqu'on porte attention à la composition et à la dynamique, on découvre une complexité intéressante, qui donne naissance à ce que l'on pourrait appelé le post-blues.

Un premier EP, "The Riverside", sort bientôt, mais on attend surtout l'album, un format sur lequel le groupe devrait pourvoir s'exprimer en profondeur.

La setlist :
1. Jamming at Sunshine
2. Sorceress
3. God Bless the Pig
4. Lovethings
5. The Riverside
6. Thousand Names of God
7. Rock Me

Myspace

12/04/2011

Miles Kane : la gloire en solo ?

Un an que je n'avais pas mis les pieds dans les studios de l'Album de la Semaine, faute de programmation alléchante. Et la dernière fois, c'était la décevante prestation de Fanfarlo. Une chance que le leader de feu The Rascals et deuxième moitié de Last Shadow Puppets (avec son ami Alex Turner des Arctic Monkeys) y ait été invité le 29 mars 2011.

En digne admirateur des Beatles, Miles Kane allie rock et pop, sans aucun artifice commercial. Et l'inspiration n'est pas que musicale : le look de ce jeune Anglais de 25 ans rappelle celui des rockeurs des années 1960, coupe de cheveux incluse. Néanmoins, Miles possède une véritable identité. Il a simplement digéré ses influences pour créer son propre univers : sain, réfléchi et travaillé.
Les titres s'enchaînent et ne se ressemblent pas, mais répondent à un souci d'homogénéité remarquable. La médiocrité se répandant de plus en plus de nos jours, on est heureux d'entendre une voix maîtrisée mêlée à un jeu de guitare assuré ; malgré un mauvais réglage de la basse de son partenaire. Certes, les musiciens qui l'accompagnent ont un bon niveau, mais c'est Miles, généreux et souriant, qui attire les regards. Il remercie sincèrement le public (chose pas si courante sur le plateau de l'Album de la Semaine), mais ne revient pas après sa sortie de scène.

Miles Kane est un chanteur-guitariste talentueux, et son aventure en solo augure d'excellentes productions.

La setlist :
1. Better Left Invisible
2. Rearrange
3. My Fantasy
4. Kingcrawler
5. Quicksand
6. Telepathy
7. Come Closer
8. Inhaler

Site
Myspace

07/04/2011

White Lies @ La Cigale

Quand on va voir un concert seul, on peut toujours espérer être bien placé, sans être obligé de patienter des heures avant l'ouverture des portes. Pour le concert des White Lies à La Cigale le 22 mars, le placement était libre. Une question se pose donc : debout autour de la fosse pour avoir une vue d'ensemble ou assis mais en hauteur ? J'ai déjà vu le groupe de très près : dans une petite salle à moitié vide en 2009 à Montréal, à l'Élysée Montmartre en novembre de la même année, à la barrière du Stade de France en première partie de Muse et à La Flèche d'Or en décembre dernier. Un fauteuil au balcon semble donc être un bon choix, et une place au milieu du premier rang, en face de la scène, est vacant. Qui dit mieux ?

Et lorsqu'on subit une première partie, on est content de pouvoir se lover dans son siège. Crocodiles : quintette bruitiste presque inintéressant. Et les jeux de lumières aveuglants n'arrangent rien. Les yeux sont baissés par nécessité, mais cela leur évite de regarder le chanteur se donner un style : lunettes de soleil, jean slim et attitude pseudo punk superficielle. Une blague (un affront au punk-rock sincère ?) à lui tout seul. Musicalement, c'est énergique, mais ça ne transmet rien. On s'ennuie donc très vite.

Pour écrire sur la musique, autant passer à Whites Lies. Le trio (quintette en live) a délivré une belle prestation, saine, sereine et maîtrisée. Cependant, si Harry, Jack et Charles ont été généreux dans leur interprétation, on peut légitimement leur reprocher une si courte setlist. Quatorze chansons alors qu'ils ont maintenant deux albums et des bonus tracks, c'est un peu juste. Heureux comme ils l'étaient d'être à Paris, ils auraient pu se lâcher davantage et offrir quelques chansons de plus, comme The Price of Love, From the Stars et Taxidermy. Quant à la déception de la soirée, c'est l'absence regrettable de Turn the Bells, l'une des meilleures compositions de "Ritual".
Comme d'habitude, ils commencent par A Place to Hide et fédèrent la foule, enthousiaste dès leur arrivée. Ensuite, Holy Ghost rappelle d'entrée que White Lies a évolué vers une musique teintée de sonorités eighties. Les synthétiseurs se font entendre, mais la mélodie et le refrain efficace convainquent ; on se laisse de plus emporter par la qualité technique des trois Anglais. Inutile de cacher qu'on aimerait réentendre Harry sur toutes les parties de guitare et voir Charles alterner entre basse et synthé, mais les premiers temps sont loin. Il n'y a guère que Jack qui n'a pas changé de jeu, toujours énergique, constant et subtile derrière ses cymbales et ses fûts.
Le nouveau single, Strangers, joué entre les grandioses To Lose My Life et E.S.T. fait un peu pâle figure, mais les refrains et une belle ambiance sauvent le moment. Et même si Is Love et Streetlights ne peuvent rivaliser avec la profondeur du son et des paroles de E.S.T., on y trouve quelques riffs et mélodies réussis, qui dépassent les versions studio légèrement artificielles. Encore une fois, on est loin de l'impressionnant "To Lose My Life" (l'un des 10 meilleurs albums de 2009), en atteste la chanson qui suit : Farewell to the Fairground.
C'est malheureux à écrire, car "Ritual" n'est pas à comparer, mais on entend la différence quand ils enchaînent avec Peace & Quiet et Bad Love. La voix est puissante et touchante, il y a des choses intéressantes, mais le groupe a compris que c'était leur premier album qui ne contenait que des pépites et terminent assez logiquement par Death. Sous les acclamations, Harry, Jack, Charles et leurs deux autres musiciens quittent la scène étonnés et ravis.
Ils reviennent pour un rappel assez classique et prudent : la poignante et merveilleuse Unfinished Business, l'entêtante The Power & The Glory, et le premier single de "Ritual", Bigger Than Us, qui achève de convaincre le public que White Lies est autant un groupe de studio que de live. Ils sont objectivement excellents et on ne regrette pas d'avoir manqué les Kills à La Flèche d'Or. Sur le chemin du retour, quelques notes se jouent dans ma tête et se font la bande originale d'un spectacle désolant : un incendie a dévasté l'Élysée Montmartre ce matin, les odeurs de brûlé persistent et quelques pompiers sont toujours sur place.

En novembre 2009, White Lies se produisait à l'Élysée Montmartre ; les souvenirs remontent et se mêlent aux nouveaux. Le point commun : une sensation de soulagement à une époque où la médiocrité musicale se répand.